Willy Barral : «L’histoire des parents s’écrit dans le corps de l’enfant»
Comment l’enfant peut-il capter et écrire dans son corps les non-dits de ses parents ?
Françoise Dolto considérait l’enfant comme un sujet de désir autonome. Elle disait qu’il était appelé par le désir de communiquer avec un autre dès sa conception. Ce désir, qui s’articulera plus tard autour du langage, est d’abord présent dans le corps. Avec sa peau, ses sens, son corps et son inconscient, l’enfant happe, capte et intègre l’histoire psychique de ses parents. C’est ce que l’on appelle « s’incarner dans une histoire familiale ». Littéralement. Dolto n’a pas imaginé cela, elle l’a constaté. Dans les dessins qu’elle recevait, les enfants racontaient des choses dont leurs parents n’avaient jamais entendu parler, mais qui étaient ensuite validées par les grands-parents ! Le bébé communique avec ses cinq sens, mais comme les parents ne comprennent pas forcément cette communication subtile, ils considèrent que communiquer, c’est parler.
Quels sont les non-dits familiaux qui deviennent maladie chez l’enfant ?
On transmet les fantômes, « les cadavres dans le placard », disait Freud, toutes les questions non réglées… Tout ce qui a été dénié vient faire traumatisme dans les générations suivantes. Il y a une différence entre le secret et le non-dit. Le secret est un droit et une nécessité, car il est fondateur de la sécurité psychique. Le secret ne regarde que soi, sa nature est strictement privée. Le non-dit, au contraire, consiste à taire ou cacher ce qui fait partie de l’histoire de la famille, ce qui appartient à tous, à des degrés variables. La honte est la plupart du temps à l’origine du non-dit. Ce qui est non dit restera dissimulé, mais la honte qu’il génère coulera de génération en génération jusqu’à ce que l’abcès soit crevé. On comprend ainsi pourquoi l’enfant porteur du trouble psychosomatique est à la fois celui que l’on désire faire taire (« Ce n’est rien, ce mal de ventre ») et celui par qui la délivrance peut advenir (« Faites quelque chose, nous, on ne sait plus quoi faire »).
Que faire justement face à ces troubles insistants ?
Chaque trouble s’inscrit dans une histoire singulière et s’exprime donc de manière singulière (bégaiements, maux de ventre, asthme, angines chroniques, etc.). Avant de comprendre le symptôme, il faut d’abord tenter de s’affranchir du désir de vouloir tout maîtriser. Il y a à reconnaître cette souffrance qui ne sait pas se dire autrement. Souvent, quand le parent reconnaît à son enfant l’urgence du « dire » de son corps, le symptôme disparaît. L’enfant n’est pas que « malade », il détient un savoir, c’est pourquoi on peut lui demander qu’il nous guide : « Par où puis-je passer pour te comprendre ? » La réponse est là, déjà prête, elle n’est pas cette énigme accessible aux seuls psychanalystes. Quand l’enfant n’est pas dans le langage, les parents peuvent se rendre avec lui dans une Maison verte (1), qui est un lieu de parole pour les troubles psychosomatiques de la petite enfance d’avant le langage verbal lui-même. C’est le lieu idéal pour tous ceux qui se posent des questions. Mais on peut aussi consulter un professionnel. Ce qui me semble essentiel, c’est de rappeler aux parents qu’ils n’ont pas à culpabiliser. Dolto leur disait : « C’est de votre fait et non de votre faute. » Être parent, c’est être responsable. Si l’on accepte d’entendre ce que l’inconscient a à nous dire, alors, les symptômes n’ont plus de raison d’être.
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