Voilà 140 ans, une infanticide de huit nourrissons était …
Dominique Cottrez s’en tire relativement bien comparé au sort d’une certaine Sophie Gautié, meurtrière elle aussi de huit nourrissons, et guillotinée le 4 janvier 1876, à l’âge de 44 ans. Ce fut l’avant-dernière femme exécutée en public en France. L’horrible exécution se déroula dans un paisible village du Lot, nommé Le Bourg.
La maison de la monstrueuse mère se dresse toujours au bord de la route menant de Gramat à Figeac. C’est une bâtisse rectangulaire, inhabitée, mise en vente, d’après le maire actuel. À l’époque des faits, Sophie Goutié y tient une auberge. On la décrit de taille moyenne, d’apparence frêle. Elle possède un front étroit, des cheveux noirs. Elle s’habille comme une bourgeoise de la campagne et parle un français assez correct. Épouse en deuxièmes noces d’un certain Bouyou, elle n’est pas farouche avec les clients de son auberge. Elle aime s’amuser, mais surtout pas s’occuper des petits braillards que ses galipettes lui valent. Cela tombe bien : sept de ses dix nouveau-nés ne survivent pas au-delà de quelques mois. Avant d’atteindre un an, ils meurent subitement. À l’époque, la mortalité infantile est chose moins rare qu’aujourd’hui, aussi, personne ne s’en émeut. Du moins au début. Par la suite, l’accumulation des décès fait parler. Les langues vont bon train, mais personne n’ose porter de franches accusations.
Des aiguilles à tricoter pour percer le coeur
En juin 1875, un des fils survivants de Sophie Gautié, né d’un premier mariage, se meurt de la tuberculose. Ce Louis Colomb est marié et père d’une petite Élisa, âgée de trois mois. Le 22 juin, il expire après une longue agonie. Or, coïncidence troublante, deux heures avant son dernier souffle, la petite Élisa succombe subitement dans les bras de sa grand-mère. Dans le village, on se rappelle les autres décès. On évoque les propos de l’aubergiste qui, au cours des jours précédents, accusait sa belle-fille de vouloir capter son héritage. Et qu’elle se débarrasserait bien d’elle et de sa fille Élisa. Les rumeurs finissent par arriver aux oreilles des autorités judiciaires qui ordonnent de déterrer le cadavre de la petite Élisa pour autopsie. Le médecin légiste retrouve dans le corps de la petite deux aiguilles à repriser la laine, et deux moitiés d’une aiguille à tricoter, dont l’une ayant percée le cœur, cause de la mort.
Sophie Gautié ne peut qu’avouer son forfait et la justice enquête sur les précédentes morts de nourrissons. La dernière remontant à seulement deux mois, le 15 avril. Celle d’une petite Marie, décédée à 38 jours. Son autopsie fait découvrir quatre aiguilles dans sa région abdominale. Longuement interrogée, Sophie Gautié finit par avouer avoir tué la petite Marie, fruit de sa vie de débauche, pour échapper à ses devoirs de mère. Mais elle refuse de reconnaître les précédents meurtres. Comme Dominique Cottrez, pour expliquer l’homicide d’Élisa, elle se trouve une excuse. Pas celle d’un père incestueux, mais d’un époux qui la trompe avec sa belle-fille. « J’avais surpris des relations coupables entre ma bru et mon mari. Ça me tourna la tête. Je ne savais plus ce que je faisais… Un jour, dans mon auberge, on s’entretenait de la manière de faire périr secrètement les petits enfants : on disait que les enfants ne souffraient pas, et que les aiguilles disparaissaient dans le corps. »
« Tu seras bien reçue dans l’autre monde, tous tes enfants t’attendent »
Le tribunal de Cahors lui refuse les circonstances atténuantes, la condamnant à être guillotinée devant chez elle. Le lundi 3 janvier 1876, vers dix heures du soir, elle est sortie de la prison de Cahors pour être embarquée à bord d’un fourgon, en compagnie des deux abbés Courtès et Roche. Elle tient entre les mains un crucifix qu’elle ne cesse de baiser avec résignation. Le trajet de 72 kilomètres prend neuf heures et demie. La condamnée ne cesse de réciter le chapelet avec les deux prêtres, les litanies des saints, de la Sainte-Vierge. Quand le convoi, encadré de gendarmes, arrive au Bourg, le bourreau a déjà dressé la guillotine et plus de 4 000 curieux se pressent déjà dans le village pour se repaître de l’hideux spectacle.
Sophie Gautié est d’abord emmenée dans l’école pour être préparée à l’exécution. Elle garde son calme, car elle espère toujours une commutation de peine. Le bourreau lui coupe les cheveux, échancre sa chemise. Il est temps d’y aller. Sur son passage, la foule redouble d’injures envers elle, les femmes montrent le poing. L’une d’elles s’époumone : « Malheureuse, tu vas mourir, et tu seras bien reçue dans l’autre monde, tous tes enfants t’attendent. » Chancelante, elle parvient jusqu’à la cruelle machine dressée devant chez elle. Un aide s’en empare pour l’attacher à la bascule dressée verticalement. Aussitôt fait, la bascule tombe à l’horizontale. La tête de la condamnée se loge dans la lunette. L’aide de l’exécuteur, placé face à la guillotine, l’ajuste en la tirant par les oreilles. Le bourreau déclenche la lame qui s’abat, tranchant le cou de la criminelle comme du beurre. Sa tête tombe dans le seau rempli de sciures. Le sang éclabousse le plancher. Dans la même seconde, le bourreau délie le corps qui tombe dans le long panier disposé le long de la bascule. Avant de le refermer, l’aide dépose la tête de la malheureuse entre ses jambes.
Ainsi périt Sophie Gautié, infanticide de ses sept nourrissons et de sa petite-fille.
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