Victime de sa mère incestueuse, le Strasbourgeois Christian Gachet se livre dans un roman
Son livre Vie Privée, courageux et bouleversant, raconte une enfance difficile, en famille d’accueil. Christian Gachet n’est pas élevé par ses parents, il est recueilli avec sa sœur par une famille de personnes âgées assez frustes, habitant la Montagne Verte à Strasbourg. Il sera ensuite maltraité pendant un an par une tante à La Ciotat. A huit ans, il retrouve son père. “C’est à cette période-là, un moment miraculeux, où je me retrouve aimé dans une famille normale”, raconte Christian Gachet. Son père, Gérard Gachet, est un artiste peintre reconnu. En plein divorce, il l’envoie en internat. A l’âge de 16 ans, Christian retrouve à Paris sa mère biologique. Celle-ci commence à abuser sexuellement de lui. Il publie les lettres de sa mère qui l’appelait “mon petit Oedipe“. Il se libère aujourd’hui de ce secret et de cette violence par l’écriture. “Pour mon roman, j’avais hésité entre le titre “Mes décombres”, ou “Infamille”, j’ai finalement opté pour “Vie privée”, car lorsque cette vie privée sert à masquer des crimes, ce n’est pas tenable, elle doit être révélée, j’ai eu très longtemps peur de réveler cet inceste, puis j’ai pris la décision d’aller au bout, de raconter cette histoire.”, explique Christian Gachet. Aussi, le contexte a changé : “Dans les années 70, l’époque était très permissive, quand je racontais certains faits, personne ne semblait choqué.”
De plus en plus d’auteurs traitent de l’inceste, pour briser un silence autour d’un tabou
“En effet, il faut rendre hommage à Christine Angot qui a été l’initiatrice de ce type d’écrit, il faut saluer tous ceux et celles qui ont eu le courage de parler de ce sujet, l’inceste (…) J’ai bien sûr lu avec grand intérêt “La Familia Grande” de Camille Kouchner qui a écrit au nom de son frère. Mon histoire n’est pas la même. Pour l’heure, la plupart des incestes révélés sont le fait d’hommes envers des filles ou bien des garçons. L’inceste mère-fils est beaucoup plus rare.”
Christian Gachet souhaite trouver son public et que son roman permette à certains de sortir de l’isolement et de la double vie que le secret de l’inceste impose.
“La crainte que mes révélations fassent de moi un monstre s’est enfin évanouie”
“Je craignais le regard de l’autre, la honte et le sceau de l’infamie, dont on pouvait me marquer du fait de ces actes d’inceste. Je voulais être juste sur les faits. Je ne voulais pas non plus me victimiser et d’emblée me juger. (…) Je voulais raconter toutes les horreurs de ma vie d’enfant placé et d’adolescent “incesté” par une mère perverse et délirante qui allait coucher avec deux de ses fils, dont moi.”
Par la publication des lettres de sa mère, il montre la manipulation, le chantage affectif, le processus de séduction par sa mère de 40 ans, puis il narre quelques échanges avec elle à la fin de sa vie qui lui déclare : “Je ne vous considérais pas comme mes fils, je ne vous avais pas élevés.” -“Ma mère était parfaitement lucide, elle savait ce qu’elle faisait, elle le faisait dans une espèce de délire, à mes yeux, elle est parfaitement coupable”, conclut Christian Gachet.
“Qu’est-ce qui m’a sauvé, c’est une question difficile”
“J’avais peut-être une aptitude à la résilience, qui m’a permis de faire un travail sur moi.” L’école a certainement joué un grand rôle. Bon élève, Christian Gachet raconte son bac de français, sa prof de philo, sa passion pour la littérature. “J’ai toujours aimé l’école” est la première phrase du livre. La littérature revient évidemment en force avec l’écriture de ce roman qui est comme une délivrance.
Dans Vie privée, Christian Gachet brise le silence sur les abus sexuels incestueux et l’emprise psychologique que lui a fait subir sa mère , les circonstances qui les ont favorisés. L’auteur a franchi diverses étapes que l’on devine dans le livre : d’abord le déni du caractère morbide de l’inceste et de l’universalité du tabou, puis une prise de conscience progressive induite par la fréquentation d’un espace social différent de celui qu’il avait pu connaitre, ensuite un poids très lourd à porter. Enfin la conscience, venue avec le temps, que cette part de sa vie privée avait une portée publique, sociale et politique. AUTEUR Christian Gachet est né à Strasbourg en 1959. Médecin et pharmacologue.
La loi de l’omerta sur l’inceste : un phénomène encore tabou à l’ampleur méconnue
Selon un sondage Ipsos réalisé en 2020 pour l’association “Face à l’inceste”, 1 Français sur 10 affirme avoir été victime de violences sexuelles qui se déroulent, dans 80 % des cas, au sein de la sphère familiale.