Une émission passionnante sur les châtiments corporels
Daniel Delanoë, psychiatre et anthropologue, chercheur associé à l’Inserm, auteur de “Pratique des châtiments corporels de l’enfant” (Erès) nous dira si on peut infliger des châtiments corporels…
https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-a-penser-avec-rene-frydman/eduquer-sans-violence
Voici un excellent résumé de l’histoire des châtiments corporels, des préconisations religieuses en la matière, et aussi de la position de la psychanalyse. Il est également question des conséquences du “droit de correction” sur le comportement et la santé des enfants.
C’est passionnant du début à la fin, et je m’en vais lire l’ouvrage de Daniel Delanoë pour en parler dans le prochain numéro de PEPS :-)))Les châtiments corporels sur l’enfant sont pratiqués par les parents dans presque toutes les sociétés, sauf quelques sociétés traditionnelles peu hiérarchisées. Depuis 1979, une trentaine de pays les ont interdits. Ils ont des effets négatifs démontrés, à court et à long terme. La question de départ est : pourquoi les parents frappent-ils les enfants pour les éduquer ? Notre objectif est d’identifier les logiques sociales qui légitiment et produisent ces pratiques. Méthode : Nous avons réalisé une recherche anthropologique comportant une étude qualitative par entretiens et une enquête culturelle, historique et juridique. Résultats : Les châtiments corporels sont légitimés par des modèles religieux de représentation de l’enfant corrompu par le mal et par des modèles profanes de l’enfant rebelle. En France, ils sont tolérés dans la famille par un droit de correction coutumier en contradiction avec la loi écrite. Les châtiments corporels de l’enfant sont associés au degré de stratification sociale et à la violence envers les femmes. Ils sont un élément du rapport social de domination des enfants, qui participe de la reproduction des autres rapports sociaux de domination.
Longtemps conseillé dans de nombreuses sociétés et par des religions cette autorisation morale s’appuie sur cette notion : c’est pour ton bien ! Dans nos sociétés, il subsiste la croyance en un péché originel à la base du concept de l’enfant impur qui doit intégrer le moule de la société.
Société dominatrice, patriarcale, qui a été et est encore, le modèle. Cependant on recense plusieurs sociétés humaines qui réfutent toute violence (voir les travaux de Margaret Mead et Maurice Godelier) et depuis 1979 la Suède a voté une loi interdisant tout châtiment.
Une étude épidémiologique montre les conséquences positives de cette attitude sur l’enfant. La psychanalyse quant à elle veille s’appuyant parfois sur le raisonnable, une correction de faible intensité est autorisée. Daniel Delanoë dans son livre Les châtiments corporels de l’enfant : une forme élémentaire de la violence (Erès) montre comment on glisse trop facilement des châtiments corporels aux maltraitances corporels et que seule une attitude ferme, légale, accompagnée d’informations va dans le sens d’une société plus démocratique.
51 pays ont déjà interdits la violence physique faite aux enfants, la Suède en 1979, la Lituanie en 2017. Mais que fait la France ?
La Suède pionnière
Le premier pays à faire entrer dans la loi l’éducation non violente est la Suède, qui a légiféré dès 1979, suivie rapidement par ses voisins finlandais (1983) et norvégien (1987). Des législations similaires ont ensuite été adoptées dans le nord de l’Europe (l’Autriche en 1989, le Danemark en 1997, l’Allemagne en 2000…) et parmi les anciens Etats du bloc de l’Est (la Lettonie en 1998, la Croatie 1999, la Bulgarie en 2000…).
Une carte du monde des Etats interdisant les châtiments corporels montre que la question émerge également hors d’Europe, notamment en Amérique latine (en Uruguay et au Venezuela en 2007, suivis du Costa Rica, du Honduras, du Brésil et de l’Argentine) et dans plusieurs pays d’Afrique (Togo, Kenya, République du Congo, Soudan du Sud…).
La Nouvelle-Zélande est le premier pays anglophone à interdire les châtiments corporels, alors que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni s’y refusent. Parmi les Etats américains, 19 autorisent encore les punitions physiques dans les écoles.
L’Observatoire de la violence éducative ordinaire (Oveo), qui recense les pays « abolitionnistes », estime toutefois que la législation « n’est qu’un premier pas » insuffisant si elle n’est pas assortie de mesures permettant son application :
« La loi peut ne pas être suivie d’effet, voire être remise en cause un jour. Cette question se pose particulièrement pour des pays où les châtiments corporels étaient traditionnellement très violents, bien que ces lois constituent une avancée importante par rapport à la situation antérieure. »
Catherine Dumonteil Kremer