Une Britannique de 45 ans a porté l’enfant de son fils homosexuel afin qu’il puisse devenir père
L’Express-10 mars 2015 : Une Britannique de 45 ans a porté l’enfant de son fils homosexuel afin qu’il puisse devenir père. Le bébé, qui est le frère de son père, a aujourd’hui 8 mois.
Voilà qui va horrifier tous les opposants à la GPA. L’histoire est racontée par le Telegraph. Une Britannique de 45 ans, Anne-Marie Casson, a accepté de porter l’oeuf fécondé par son fils Kyle, 27 ans. L’enfant qu’elle a mis au monde en tant que mère porteuse s’appelle Miles et a désormais huit mois. Il vit avec son père qui se dit “très heureux d’avoir un fils”.
Légalement, ils sont frères :
Les règles de la gestation pour autrui au Royaume-Uni imposant que l’enfant soit confié à un couple de parents, et non à un célibataire, Miles n’est légalement que le frère de Kyle. La juge chargée de cette affaire a proposé que Kyle adopte son propre fils, ce que la loi lui permet de faire en tant que frère. Tandis que d’autres observateurs estiment que la loi permettant la GPA est détournée.
“Tant qu’on peut offrir un toit et financer l’éducation, je ne vois pas pourquoi on aurait pas le droit d’être parent”, argumente Kyle Casson. Le jeune homme, homosexuel, travaille dans un supermarché. Il assure qu’il ne mentira pas à son fils au sujet de sa conception: “Je lui dirai aussi qu’il a été vraiment désiré”. Pourquoi ne pas avoir attendu d’être en couple? “Personne ne peut garantir que je rencontrerai un jour quelqu’un.”
“J’ai pu aller à toutes les échographies”
Pour porter l’enfant, il s’est tourné vers sa mère après qu’une autre connaissance ait fait défaut. Et trouve la solution très pratique: “Comme la mère porteuse était ma mère, j’ai pu aller à tous les rendez-vous avec la sage-femme et à toutes les échographies”.
Lors de l’accouchement, mère et fils ont opté pour une césarienne: “Cela était plus digne pour ma mère”, explique Kyle. “Ce n’est pas mon enfant. Je ne veux pas pousser”, avait prévenu Anne-Marie. Mais en tant que grand-mère, elle gardera son petit-fils, pour que son fils puisse retourner travailler.
> Lire l’article original : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/gpa-au-royaume-uni-une-mere-porte-l-enfant-de-son-propre-fils_1659961.html
FIGAROVOX/ANALYSE – Une britannique a accepté de porter l’enfant de son fils homosexuel. Marianne Durano y voit le symbole de toutes les confusions et dérives qu’implique la GPA.
Une anglaise de 46 ans accepte de porter l’enfant de son fils de 24 ans, célibataire revendiqué et homosexuel. Le cas est presque trop emblématique pour être vrai. Et pourtant le petit Miles est bien né, avec la bénédiction de la loi et de la technique, fils de son frère et de sa grand-mère. En cela il est comme l’icône de toutes les confusions qu’autorise et implique la gestation par autrui (GPA). Avec lui, et avec la GPA en général, ce sont les deux tabous les plus fondamentaux de notre société qui sautent.
Ce qui se fissure d’abord, c’est la prohibition de l’inceste, c’est-à-dire la nécessité de maintenir clairement la différence et la continuité entre les générations. Avec la GPA, l’enfant ne s’inscrit plus dans une généalogie, parce qu’il n’est plus le fruit d’une génération, mais le produit d’un acte technique. La fécondation n’est plus transmission d’un patrimoine, mais intervention scientifique; la gestation n’est plus histoire et expérience d’amour, mais location provisoire d’organes. Avec parfois jusqu’à 5 personnes impliquées dans sa filiation (les donneurs, les parents commanditaires, la mère-porteuse, sans compter les médecins, juristes et assureurs), ce n’est pas seulement le petit Miles qui se trouve privé d’une généalogie cohérente, ce sont tous ses frères en technoscience.
Le deuxième tabou qui disparaît, c’est celui de la complémentarité des sexes, puisque si l’homme et la femme sont indispensables l’un à l’autre, c’est évidemment au regard de leur descendance. Le petit Miles, lui, est privé de mère dans la mesure où il est privé d’ancêtres. On assiste en effet dans son cas à une triple éviction de la mère. Anne-Marie est niée à la fois comme mère de son fils Kyle, dont elle doit porter l’enfant, et comme mère de son fils Miles, dont elle doit se défaire à la naissance. Double éviction de la mère et de la grand-mère. Mais surtout, éviction de toute figure maternelle, même masculine, puisque Kyle est célibataire et le revendique. Ici aussi, le cas de Miles, est extrême mais exemplaire: la GPA ne fleurit que sur les tombes des mères sacrifiées. Sacrifiées les vendeuses d’ovule, sacrifiées les mères qui portent l’enfant.
Plus profondément, celle qu’on nie, c’est la femme elle-même, réduite à n’être qu’un utérus dont on se fiche bien de savoir à qui il appartient. Le corps féminin n’est vu que comme une réserve de graisse, une enveloppe dont peu importe l’histoire et la subjectivité. Ausculté, rempli, vidé, le corps maternel n’est même plus objet de désirs et de fantasmes, il est un pur matériau que le médecin s’efforce de manipuler le plus efficacement possible. Dans cette perspective, que l’enveloppe ait un lien de parenté ambigu avec son contenu n’a aucune importance: couveuse pour couveuse, on espère seulement qu’il n’y aura pas de conséquences médicales dommageables.
Or, tout comme l’affaire du petit Miles me semble emblématique de toutes les pratiques de GPA, je crois que la GPA est symptomatique de la manière dont le monde médical considère la grossesse en général. Pesé, pénétré, mesuré, saigné, le corps de la femme enceinte est traité comme un ensemble de mécanismes complexes et possiblement pathogènes, tandis qu’elle-même et son bébé (son «foetus») sont ignorés dans leur subjectivité et leur sensibilité. C’est parce que la grossesse est pensée par les gynécologues comme «un problème de tuyauterie très compliqué» , qu’elle peut faire l’objet d’un trafic aussi abject que la GPA. C’est parce que la grossesse devient une «gestation» désincarnée qu’une mère peut prêter son utérus à son fils avec la bénédiction de la législation britannique. Dévalorisation de la grossesse, marchandisation de la gestation: difficile de dire laquelle est la poule et laquelle est l’oeuf. De toutes manières, dans ces circonstances, «la question n’est plus la production des oeufs, mais bien la mobilisation, l’extension des poules: qui voudra couver?» Car quand la femme est réduite si lamentablement à son utérus, il ne faut pas s’étonner qu’elle ne veuille plus se laisser définir par lui. Car quand donner la vie devient un acte technique, il ne faut pas s’étonner que la femme refuse sa maternité et se revendique neutre.
Au feu la généalogie, au feu la différence des sexes, au feu l’expérience fondatrice de la grossesse, de la génération. Au final que reste-t-il? Il reste l’immense ego de Kyle, qui n’a plus, comme Oedipe dont il est le triste avatar, qu’à se crever les yeux, à s’aveugler derrière le vocabulaire creux du droit et de la discrimination. Aveugle la loi, aveugle l’amour aussi, qui justifie toutes les perversions, et que la tradition nous présente, significativement, les yeux bandés. Cette affaire, et la GPA en général, ne sont qu’un sordide remake d’Oedipe Roi. Un Oedipe sauce post-moderne: désincarné, technicisé, sans sang ni sexe, lisse comme un bistouri. Un Oedipe pudibond et sûr de son bon droit. Un Oedipe qui, pour n’avoir pas le bon goût de se crever les yeux, n’en erre pas moins, égaré, sans histoire, entraînant avec lui toute la cité désemparée.
Marianne Durano
> lire l’article original : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/03/10/31003-20150310ARTFIG00330-elle-prete-son-uterus-a-son-fils-quand-la-gpa-rejoue-oedipe-roi.php