Un chemin en psychanalyse : Françoise Dolto : “C’est le non-dit qui marque le corps”
Françoise Dolto a ouvert une consultation en psychanalyse pour les enfants à l’Hôpital Trousseau, où les enfants venaient en payant symboliquement avec un caillou ou un objet. Elle a créé ses outils comme la “poupée fleur”. Entretien avec le psychanalyste Jean-Pierre Winter. Françoise Dolto a toujours eu les yeux ronds, comme son animal préféré, la chouette, dont elle collectionnait les miniatures sur son bureau. C’est « les yeux ronds », que Françoise Dolto avance. Elle disait : toute ma vie j’ai eu les yeux ronds sur ce qui se passait, ne comprenant pas et cherchant à comprendre. Mais c’est ce qu’on fait en psychanalyse et, surtout pour un médecin dont, à l’origine, son désir était d’être médecin d’enfants, c’est avoir les yeux ronds devant des symptômes et se dire : Mais comment les comprendre ? On a les yeux ronds, on essaie une méthode qui permettra de comprendre. Ça m’a intéressée, et voilà.
Et voilà, Dolto devient psychanalyste, après son analyse qui dura 3 ans, débutée en 1934, et sa thèse Psychanalyse et pédiatrie en 1939. Françoise Dolto pense que les psychanalystes ont un devoir : dire aux autres pourquoi ils sont devenus psychanalystes. Elle ajoute : je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais j’essayais de noter le plus possible de ce que je percevais. C’est cela être psychanalyste : noter le plus possible.
Jean-Pierre Winter est psychanalyste. En 1986, Françoise Dolto lui accorde un long entretien filmé – dont on peut lire la transcription dans un livre publié chez Gallimard : Les images, les mots, le corps. Caroline Eliacheff que nous recevions hier nous disait : vous avez de la chance, car c’est le seul qui enseigne Dolto !
1986 | A l’occasion de la parution en 1986 de son livre “Enfances”, un récit de souvenirs écrit à la demande de sa famille, Françoise Dolto parle de sa vocation pour la psychanalyse appliquée aux enfants et témoigne de sa propre enfance au sein d’une famille nombreuse, dans l’émission “Agora”.
Invitée pour parler de son dernier livre paru en 1986, “Enfances”, Françoise Dolto explique s’être toujours sentie “questionnée” par les enfants.
Je continue d’être tout le temps questionnée par tout et en particulier par les enfants, leur comportement qui est toujours langagier et qu’il faut décoder pour comprendre ce qu’ils veulent nous dire et en même temps par leurs vraies questions quand en paroles ils nous en posent qui sont toujours surprenantes et auxquelles on a trop vite fait quand on répond : “Tu es bête , c’est comme ça !” Mais non… Les adultes, nous prenons les choses comme si ça allait de soi, mais ça ne va pas de soi du tout.
Selon la psychanalyste, il est important que les enfants se rendent compte que “les adultes ne savent pas” ce qu’il y a après la mort et qu'”ils font avec cette interrogation qui n’a pas de réponse“. Pour l’enfant, c’est un tournant indispensable que de découvrir “la faille” qu’il y a dans le “tout savoir” de l’adulte afin qu’il fasse son propre chemin.
Je crois que c’est un tournant dans la vie d’un enfant quand il s’aperçoit de la faille qu’il y a dans le “tout savoir” de l’adulte que jusque-là était absolument impensable : les parents savent tout. Ils sont “tout-sachant” et “tout puissant”.
D’avoir d’autant plus d’amour, que l’enfant a de la déception : c’est cela que j’ai compris étant jeune, cette compassion pour des parents qui restent merveilleux en étant si faibles.
Françoise Dolto clôt l’entretien en insistant sur l’importance du langage chez les enfants même s’ils ne parlent pas. La maladie est un langage, explique-t-elle, et si des mots n’y sont pas mis, elle laisse des traces qui plus tard pourront se réveiller.