Pourquoi les meurtres d’enfants sont-ils majoritairement commis par des femmes?
- Tous les ans, 57 mineurs âgés de moins de 15 ans sont en moyenne victimes d’homicide, selon une étude de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), publiée ce mercredi.
- Dans un tiers des cas, les enfants ont moins d’un an.
- Les personnes condamnées pour cette infraction sont majoritairement des femmes.
C’était le 28 juillet dernier. Le corps d’un enfant de 9 ans était découvert à Elven, dans le Morbihan. Le garçonnet a été égorgé. Très vite, les gendarmes vont suspecter sa mère d’être l’auteure du meurtre. Dans un mot retrouvé sur place, elle a renvendiqué son geste et expliqué « lui avoir administré quatre somnifères pour qu’il ne souffre pas », a indiqué le procureur de la République de Vannes, François Touron, dans un communiqué. Ce drame est malheureusement loin d’être isolé.
En moyenne, au cours des dix dernières années, 57 mineurs âgés de moins de 15 ans ont été victimes d’homicides volontaires tous les ans. En 2015, 64 enfants dont l’âge est connu ont été victimes d’un meurtre, révèle une étude de l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), publiée ce mercredi.
Dans un tiers des cas, les enfants ont moins d’un an. Dans l’immense majorité des cas (72 %), et à la différence des crimes d’adultes, les victimes avaient un lien familial avec leur bourreau.
Une majorité de femmes condamnées
L’étude souligne notamment que « les personnes condamnées pour homicide sur mineurs de moins de 15 ans sont majoritairement des femmes ». Sur les 325 condamnations prononcées entre 1996 et 2015, 227 l’ont été à l’encontre de femmes, soit dans environ 70 % des affaires. « Souvent, ce sont des mères qui tuent leur enfant », explique à 20 Minutes Christophe Soullez, directeur de l’ONDRP.
Comment expliquer que les mères soient davantage impliquées dans le meurtre de leur enfant que les pères ? « Les interactions entre la mère et son enfant, qu’elles soient bienveillantes ou malveillantes, sont traditionnellement plus importantes sur le plan quantitatif que celles qui existent entre lui et son père. C’est donc normal que cela se ressente sur le plan statistique », analyse Mickael Morlet-Rivelli, psychologue à Reims.
« Les mères sont plus souvent auteures de la mort volontaire de leur enfant de moins de un an, que les pères ou beaux-pères », précise la psycho-criminologue Michèle Agrapart-Delmas, dans son livre Femmes fatales*. En 2015, 42 % des enfants victimes d’homicide volontaire ou de violence ayant entraîné la mort étaient âgés de moins d’un an au moment des faits, 41 % d’entre eux avaient entre 1 et 7 ans et 17 % entre 8 et 14 ans.
« Tous les milieux sont touchés »
Selon Michèle Agrapart-Delmas, « tous les milieux sont touchés mais l’isolement social et affectif jouerait un rôle ». Elle ajoute que « c’est parfois l’enfant “en trop”, celui qui a du retard, est un peu handicapé, celui qui est né d’une liaison adultère, qui va être le bouc émissaire d’une famille pathologique qui aura ainsi trouvé un mauvais objet, source de toutes les difficultés. C’est cet enfant qui sera tué par la mère ».
Néanmoins, le nombre d’homicides sur les enfants a baissé par rapport à la période comprise entre 1997 et 2006, où 79 cas ont été recensés en moyenne chaque année. Christophe Soullez explique cette diminution notamment par une meilleure « prise en charge psychologique et médicale des femmes qui accouchent ». Mais, rappelle-t-il, de manière générale, les homicides ont diminué en France ces dernières années
*« Femmes fatales », de Michèle Agrapart-Delmas, éditions Max Milo, 250 pages
Thibaut Chevillard