Les interdits, frustrations et limites ne donnent pas un sentiment sécurité à l’enfant !
NON ! Les interdits, frustrations et limites ne donnent pas un sentiment sécurité à l’enfant ! (Interview d’Isabelle Filliozat) –
Notre culture est si imprégnée de ces croyances et de ces habitudes de réaction qu’il me parait illusoire de se débarrasser de ces idées une bonne fois pour toutes. Nous avons à être vigilants sur cette tendance à interpréter les comportements des enfants comme dirigés contre nous. Mais au fur et à mesure que les informations scientifiques sur le fonctionnement du cerveau de l’enfant seront diffusées, je pense que cela changera radicalement notre perspective. Nos interprétations nous permettent de donner du sens à des réactions que nous ne comprenons pas. Or, Les neurosciences explorent le cerveau de l’enfant comme jamais avant. Nous n’en sommes plus réduits à devoir interpréter, nous pouvons décoder.
NON ! Les interdits, frustrations et limites que nous donnons à l’enfant ne lui donnent pas un sentiment sécurité. Et ne lui donnent pas non plus les « bonnes » bases de la socialisation. Passons sur cette connotation morale « bonnes » bases, ceci est le dada de la psychanalyse (française) avec sa théorie des pulsions qui a fait tant de mal à l’éducation des enfants.
Ce qui donne le sentiment de sécurité aux enfants, c’est l’attachement, l’attention du parent à ses besoins, le respect, etc… c’est aussi la liberté, les permissions et les consignes qui aident à savoir comment faire ceci ou cela en toute sécurité. Les seules limites qui donnent de la sécurité sont celles de l’enfant. Il se sent en sécurité si nous lui enseignons qu’il a des limites et qu’il a le droit de les faire respecter par ses frères et sœurs, par les gens, et même par nous. » Ton corps est à toi, et si ce qu’on te fait te fait non à l’intérieur, tu as le droit de dire Stop. », « ce stylo est à toi et si tu ne veux pas que ta petite sœur joue avec, tu as le droit de le mettre sur cette étagère en hauteur ».
Un interdit est toujours dangereux parce que le cerveau de l’enfant est un cerveau humain, c’est à dire avec un lobe frontal qui veut diriger ses propres comportements (donc risque de mobiliser de la rébellion). De plus, il est formulé en négatif le plus souvent et donne donc une mauvaise direction au cerveau de l’enfant.
Qu’est ce qui donne le plus de sécurité : “Il est interdit de courir sur la chaussée. Tu dois me donner la main en traversant.” Ou “Tu peux marcher et courir sur le trottoir, sur la chaussée, tu marches en me tenant la main.” ?
Il suffit de sentir le léger stress que nous éprouvons tous, les humains, lorsqu’on nous donne un ordre ou un interdit pour vérifier que cela ne nous met pas du tout en sécurité.
Rythme cardiaque accéléré = peur
Rythme cardiaque ralenti = sentiment de sécuritéA noter aussi : la liberté donne davantage de sécurité que les limites. Est ce que je me sens plus en sécurité si je dois lever le doigt pour demander la permission d’aller faire pipi ? Ou si je sais que j’ai la liberté d’aller faire pipi quand j’en ai besoin parce que c’est un besoin naturel, et que la consigne est que je préviens la classe et j’emmène avoir moi un copain ?
La sécurité, le plaisir, sont des conséquences de la satisfaction des besoins d’attachement et de liberté.
Notre difficulté à différencier sentiments et émotions. Pourriez-vous nous expliquer les différences fondamentales entre les deux ?
Isabelle Filliozat : Une émotion est une réaction physiologique de l’organisme. Nos émotions nous aident à nous adapter à notre environnement. La peur nous permet de faire face au danger, la colère de protéger notre espace, notre territoire, de restaurer la justice et de réparer notre intégrité quand elle a été blessée. La honte nous maintient dans une certaine conformité au groupe auquel nous appartenons, et nous évite de blesser autrui. La tristesse est l’émotion de l’acceptation de la perte. La joie nous indique notre direction de vie et favorise l’apprentissage. L’amour nous rapproche les uns des autres. Les émotions sont universelles. Tous les humains les ressentent dans les mêmes circonstances. Les sentiments, eux, sont individuels et fonction de notre histoire. Un sentiment nécessite une élaboration mentale. Nombre de nos réactions émotionnelles (et de celles de nos enfants) ne sont pas des émotions, mais des sentiments ou des réactions émotionnelles parasites. Un enfant qui pleurniche par exemple parce que l’eau est trop chaude, puis trop froide, puis que la serviette ne couvre pas ses orteils… n’éprouve pas de la tristesse ! Il est dans une réaction parasite camouflant une autre émotion. En l’occurrence, de l’anxiété par rapport à l’école ! Eh oui, les réactions émotionnelles parasites n’ont souvent rien à voir avec le problème sous-jacent. C’est pour cela qu’elles sont incompréhensibles pour le parent et qu’il les classe un peu rapidement dans la catégorie « caprice ». Les caprices, c’est tout ce que l’adulte ne comprend pas.