“Les paroles humiliantes peuvent détruire des neurones chez les enfants”
La pédiatre Catherine Gueguen explique ce que la science a découvert sur le cerveau des enfants. Et en quoi ces travaux valident les principes de l’éducation bienveillante.
Pourquoi les nouvelles connaissances sur le cerveau devraient-elles changer la manière d’éduquer notre progéniture?
Les chercheurs du XXIe siècle nous disent ce qui favorise le bon développement de l’enfant: une relation bienveillante, empathique, soutenante. Car cette attitude permet à son cerveau, très fragile, d’évoluer de façon optimale. Les liens affectifs influencent à la fois les capacités de mémoire, d’apprentissage, de réflexion, mais aussi les capacités relationnelles, les émotions, les sentiments. Ils modifient la sécrétion de molécules cérébrales, le développement des neurones. Ils modifient également la régulation du stress, et même la faculté d’agir de certains gènes. Le psychiatre John Bowlby, décédé en 1990, postulait déjà que le besoin d’attachement était vital pour l’enfant; les neurosciences l’ont confirmé ces dix dernières années.
En quoi est-ce une révolution?
La grande majorité des parents ont été élevés avec des menaces, sommés d’obéir sous la pression du fameux “Je compte jusqu’à trois: un, deux…” Alors ils banalisent cette forme de violence, sans imaginer qu’elle a des conséquences psychologiques mais aussi physiologiques. “Qu’est-ce que tu es maladroit!”, “Tu es infernal!”: ces paroles humiliantes, répétées, peuvent détruire des neurones dans des structures essentielles du cerveau.
Pourtant, ces parents ont grandi à l’époque Dolto…
Françoise Dolto a eu le mérite de demander aux adultes de considérer les enfants comme des personnes. Ce qu’elle ne pouvait pas savoir, à l’époque, c’est à quel point le cerveau d’un petit est immature. Son intellect est incapable de traiter les longs discours des adultes. Dolto a recommandé aux parents de s’expliquer sur leur attitude. Or leurs raisonnements ne sont pas à la portée des enfants. Ces paroles les angoissent au lieu de les rassurer.
Qu’a-t-on appris, encore, en observant la manière dont fonctionne le cerveau des enfants?
La science nous montre qu’il faut cesser de voir un comportement intentionnel dans les colères des tout-petits. Les “caprices”, ça n’existe pas! On qualifie ces enfants de “tyrans”, alors qu’ils ne sont simplement pas capables de gérer leurs émotions avant 5 ou 7 ans. L’une des grandes découvertes des neurosciences, c’est que le tout-petit ne peut pas s’apaiser seul. Quand un bambin de 18 mois se roule par terre, ce n’est pas pour manipuler ses parents, arriver à ses fins. Il vit une tempête émotionnelle qui le dépasse. Son père ou sa mère se disent “Il faut rester ferme!” comme s’ils étaient dans un rapport de force où il faudrait avoir le dessus. Or la question est tout autre. Il s’agit de se tenir aux côtés de l’enfant pour mettre des mots sur ce qu’il ressent, le sécuriser, le consoler. Sans pour autant céder à ses désirs quand ceux-ci ne sont pas justifiés.
Où les parents peuvent-ils puiser leur bienveillance, quand le monde se fait si rude?
Ils doivent s’entourer d’un cercle amical et familial lui-même bienveillant. Il faut s’éloigner des personnes toxiques, à commencer par le conjoint, s’il est maltraitant. Ne pas “rester ensemble pour les enfants”, comme on l’entendait à la génération précédente. Je recommande aussi aux parents de se former par des stages ou des livres à la communication non violente [NDLR: voir le site nvc-europe.org], une méthode qui permet de nouer des relations plus harmonieuses. Et surtout, je conseille de ne pas s’oublier. Sur mes ordonnances, je prescris des dîners en tête à tête.
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