« Les femmes violentes sont en recherche de puissance phallique »
INTERVIEW – Liliane Daligand est psychiatre, professeure de médecine légale. Elle vient de publier La violence féminine aux éditions Albin Michel.
LE FIGARO. – Pour vous qui l’explorez depuis de longues années, quelle est la spécificité de la violence au féminin?
Liliane DALIGAND. – Chez les femmes, la violence est vraiment liée à une recherche de pouvoir et de domination sur les autres – présente aussi chez les hommes bien sûr – mais doublée ici d’une recherche de puissance phallique qui leur donnerait pleinement prise sur l’autre. Chez les adolescentes notamment, on observe qu’elles voudraient, au combat, absorber la force des «mecs». Beaucoup se vivent comme des garçons manqués, pensent que si elles avaient disposé de cette puissance séminale qui se voit, elles n’auraient pas vécu les traumatismes par lesquels elles sont passées. Certaines femmes violentes parlent fort, voulant être comme les hommes, qu’elles méprisent pourtant. Elles réclament l’égalité dans ce domaine-là aussi, ne disant jamais «j’ai été battue», mais «je me suis battue»…
Vous parlez de traumatismes les concernant. Est-ce là la racine principale de leurs comportements violents?
Oui, la grande majorité de ces femmes ont connu la violence et le rejet dans un parcours qui ressemble beaucoup à celui des victimes. Souvent, elles ont manqué d’un père, celui-ci étant absent, disqualifié, dévalorisé, insignifiant. Or c’est le père qui institue sa fille à sa place symbolique de fille sans collage ni confusion avec tout autre. Elles ont été difficilement instituées comme femmes, elles sont peu sûres de leur identité féminine.
Mais leurs mères ne les ont-elles pas aidées en ce sens?
Souvent, les mères ont été soit indifférentes, soit trop proches, en miroir, n’acceptant aucune différence, du type «on est copines, on est les mêmes». La fille est dans la confusion des générations et réduite, sans place dans la génération, au seul repérage des images, sans possibilité d’identification symbolique. Elle n’a pas de place dans la trame symbolique de la parenté, ni de place comme sujet de la parole et de la loi. Elles aspirent souvent à tout maîtriser, à tout contrôler, à reproduire seulement du «moi», du «même» qu’elles connaîtraient parfaitement, sans reconnaître l’autre comme autre dans sa différence, son inconnaissable…
Mais en même temps, si elles sont ainsi rigides psychiquement, vous observez qu’elles sont aussi très influençables. Comment est-ce possible?
Oui, les sinistres affaires Fourniret ou Dutroux nous ont révélé les cas de ces femmes qui, sous emprise, assistent passivement ou aident aux passages à l’acte… Leur manque de sens critique est lié à leur immaturité. Elles sont peu élaborées et très malléables. Elles ont du mal à se couper d’une mère toute puissante. Pour s’en séparer, elles s’allient à une autre puissance, celle d’un homme sur lequel elles se greffent.