Le grand tabou des femmes incestueuses
Dans l’écrasante majorité des cas, l’inceste est perpétré par des hommes, 95% selon une note de l’ONDRP. Dans les faits, selon les associations, la proportion de femmes agresseurs est plus importante. Ce sont nos mères, nos sœurs, nos grand-mères ou grands-tantes, comme en témoigne Sophia Antoine.
Ces violences sexuelles perpétrées par des femmes restent un tabou, « jusque dans les instances juridiques et policières », souligne Face à l’inceste. C’est la raison pour laquelle l’association a mené une enquête auprès de ses adhérents et des professionnels des violences intra familiales. Sur la quarantaine de témoignages reçus, neuf ont été retenus.
Un acte impensable
L’inceste féminin est impensable. Les femmes sont « perçues comme ‘’naturellement’’ innocentes ». Leur instinct maternel n’est-il pas censé protéger les enfants. Le psychiatre Jean-Michel Darves-Bornoz confirme les nombreux lieux communs dans le corps social, notamment que ces méfaits sont matériellement impossibles… « puisqu’elles n’ont pas de pénis ». Ou que « les abus sexuels qu’elles commettent n’en sont pas vraiment parce que c’est fait gentiment ».
Il découle de cette opinion que les abus sexuels commis par des femmes devraient laisser moins de séquelles psychologiques.
Résultat, les victimes ont davantage de difficultés à réaliser qu’elles sont victimes d’inceste, davantage de difficultés à en parler. Encore moins à déposer plainte.
Véronique Wyck, psychothérapeute et professionnelle de la maltraitance intrafamiliale citée par Face à l’inceste, souligne que cette complexité est d’autant plus importante que, « comme dans tout inceste, on s’expose à éclater le système familial ». Et donc, à tuer psychiquement la mère. « Or l’attachement maternel est le tout premier attachement ».
♦ L’inceste féminin est bien abordé dans la série de podcasts de Charlotte Pudlowski intitulée ‘’Ou peut-être une nuit’’.
Et pourtant, l’inceste féminin existe
L’association souligne que les violences sexuelles intra-familiales et féminines ne sont pas différentes des masculines. Les femmes incestueuses feraient la même chose que les hommes incestueux. « À l’instar des hommes, elles peuvent exercer un viol sur autrui, et cela au sens de la définition pénale. Depuis 1980 dans la loi, la relation sexuelle imposée par une femme sur un homme par pénétration digitale ou avec un objet est considérée comme un viol ».
Les femmes commettant l’inceste peuvent également exercer d’autres violences sexuelles, « telles que l’exhibitionnisme, les confessions sur leur sexualité ou le Nursing pathologique ». Sous couvert de soins, l’auteur assouvit ses pulsions en pratiquant des toilettes intimes trop poussées, trop fréquentes. Ou des soins inadaptés comme des prises de température inutiles.
Les auteures
Dans les témoignages recueillis, Face à l’inceste a souvent retrouvé des cas de ‘’fragilité identitaire’’ . Des femmes dans la confusion entre soi et autrui.
Le psychiatre Jean-Michel Darves-Bornoz, qui relate la première étude sur le sujet, rapporte trois typologie de femmes qui commettent des abus sexuels. Le type « initiatrice sexuelle » qui a toute sa responsabilité. Le type « prédisposée » qui a été elle-même agressée sexuellement. Et le type « contrainte » obligée par un tiers à abuser sexuellement de la victime et elle-même victime.
Des vies chamboulées par divers maux
Les violences incestuelles ont des répercussions – troubles dans la vie professionnelle, amoureuse et/ou familiale, troubles alimentaires… Des répercussions tout au long de la vie des survivants mais aussi celle de leurs descendants. L’association souligne que « chez les femmes incestées, la peur de réitérer des pulsions sexuelles envers leurs propres enfants revient dans chacun des témoignages ». Ainsi que leur travail sur elles-mêmes pour ne pas passer à l’acte. ♦