L’autre tabou de l’inceste : ces mères qui trahissent
Par peur, désarroi ou négligence, elles font défaut à leurs enfants victimes d’inceste. Et rendent plus difficile la vie d’après.
Tour à tour, elle l’appelle “ma mère”, “maman” ou “mon Evelyne”. Au fil des pages, elle lui dit sa peine, son amour et ce sentiment si douloureux d’avoir été trahie. Dans son livre La Familia grande (Seuil), paru début janvier, Camille Kouchner ne se contente pas de dénoncer les faits d’inceste commis sur son frère jumeau par leur beau-père. Elle y raconte aussi la blessure infinie qu’elle a ressentie à l’égard de sa mère, Evelyne Pisier, décédée en 2017, qui n’a pas quitté son mari après avoir appris les faits dont son fils a été victime. Il n’y est pas question de haine ou de revanche, mais d’abandon et de confiance perdue, d’amour déçu et de refuge disparu.
En quelques mots, Camille Kouchner met le doigt sur un sujet peu évoqué, encore tabou : celui du rôle de la mère dans les affaires d’inceste. On en parle rarement, de peur de les stigmatiser et de les désigner comme complices des agresseurs, ce qui n’est le cas que d’une minorité d’entre elles. On en parle peu, parce que certaines protègent immédiatement et sans ambiguïté leurs enfants, et qu’on préfère ne voir que ces femmes qui correspondent à notre image du rôle maternel.
Entre les deux, il y a pourtant un univers plus flou, dont l’ampleur est difficile à évaluer, mais qui surgit en toile de fond de nombreux témoignages. Les victimes y parlent de leurs mères qui n’ont pas voulu, pas su, pas été capables de les entendre lorsqu’elles sont venues se confier. Les agresseurs étant très majoritairement des hommes – souvent un père ou un frère -, les mères devraient être celles qui protègent après l’agression. C’est loin d’être toujours le cas.