La violence conjugale envers les hommes
Si les violences conjugales sont la plupart du temps exercées à l’encontre des femmes, les hommes ne sont pas non plus épargnés. Souvent tue, la maltraitance masculine se révèle pourtant tout aussi pernicieuse. Eclairages.
Chantage, humiliations, manipulation, emprise psychologique, violences physiques… C’est ce qu’a vécu au quotidien pendant près de deux ans Maxime Gaget qui, pour se reconstruire et mettre en lumière une réalité encore taboue, a choisi de raconter son histoire dans un livre “Ma compagne, mon bourreau” (éditions Michalon, 2015). Le jeune homme y relate sa descente aux enfers et les différentes étapes de l’emprise orchestrée par sa compagne de l’époque jusqu’aux actes de torture physique dont il a failli ne pas réchapper. Honte, isolement, perte de l’estime de soi, absence de lieux d’accueil… Maxime Gaget raconte les dégâts psychologiques et les difficultés auxquelles il a été confronté pendant son calvaire. “C’est très mal perçu socialement d’être battu par une femme. J’ai pu observer qu’il y avait un certain malaise de la part des autorités à regarder en face cette réalité. Or, selon moi, la violence dans un couple est inadmissible, quel qu’en soit l’auteur”.
Des histoires comme celle de Maxime Gaget sont certes assez exceptionnelles. Toutefois, la violence à l’égard des hommes semble largement sous-estimée même s’il est particulièrement compliqué d’obtenir une réalité chiffrée, compte tenu de la difficulté des victimes à sortir de leur silence et à porter plainte. Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, 149 000 hommes (contre 398 000 femmes) ont été victimes de violences au sein de leur couple en 2012 et 2013. Et si 10 % des femmes violentées portent plainte, seuls 3% des hommes font des démarches en ce sens.
Maltraitance masculine : la répétition d’un traumatisme infantile
Anne-Laure Buffet est coach à Boulogne. Auteur du livre “Victimes de violences psychologiques. De la résistance à la reconstruction ” (Editions Le Passeur, 2016), elle a fondé l’association CVP (Contre la Violence Psychologique) et organise des groupes de parole pour les victimes de violences conjugales. Elle reçoit régulièrement des hommes maltraités par leur compagne. “Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il s’agit souvent d’hommes ayant un physique imposant et de fortes responsabilités professionnelles. On ne s’attaque pas à plus faible que soi”, souligne Anne-Laure Buffet. La mécanique de la violence féminine semble répondre au besoin de domination et de contrôle, une soif de vengeance et une incapacité à se heurter à la moindre résistance. “Le plus fréquemment, c’est la femme qui pousse l’homme à bout pour le forcer à réagir en se disant que s’il la frappe en retour, elle ira porter plainte et pourra ainsi se faire passer comme victime”, explique Anne-Laure Buffet. Et de rappeler qu’il n’y a jamais de violences physiques sans violences psychologiques.
Les humiliations, la manipulation, le chantage vont toujours de pair avec les coups. “Ces femmes maltraitantes trouvent normal de recourir à la violence car elles considèrent leur mari comme un moins que rien qui ne sait pas répondre à leurs besoins”, ajoute la coach. Du côté des hommes, les racines de la maltraitance prennent la plupart du temps leur source dans l’enfance. S’il n’a pas été frappé enfant, l’homme adulte maltraité a souvent assisté, lorsqu’il était petit, à des scènes de violence concernant ses parents ou un membre de la fratrie. “Il existe toujours une répétition traumatique d’une scène vécue dans l’enfance”, confirme Alain Legrand, psychanalyste et directeur du centre SOS violences familiales à Paris. Ces hommes maltraités ont souvent vécu dans un climat d’insécurité affective avec une mère non protectrice, pouvant être elle-même victime de violences conjugales. A leurs yeux, ils sont convaincus de n’avoir pas de valeur personnelle. “Ils mettent souvent du temps à comprendre qu’ils sont en danger car ils sont persuadés d’être à l’origine des comportements violents qu’ils subissent”, ajoute Anne-Laure Buffet.
Se reconstruire et porter plainte
Statistiquement, les hommes battus sont moins nombreux que les femmes mais les dégâts psychologiques sont souvent plus lourds. Si l’image de la mégère irascible existe bien dans l’inconscient collectif, il est toutefois difficile de remettre en question la sacro-sainte image de la femme douce et de la mère forcément aimante. La honte et la perte d’estime d’eux-mêmes empêchent les hommes maltraités de sortir de leur silence. “C’est presque impossible pour un homme d’aller raconter son histoire à un ami ou un collègue de travail et contrairement aux femmes, il existe peu de structures d’accueil adaptées”, ajoute Anne-Laure Buffet.
Pour se reconstruire, les hommes maltraités devront suivre un travail psychologique au cours duquel ils réapprendront à évaluer et interpréter les situations vécues sous un autre angle et à rebâtir une estime d’eux-mêmes largement mise à mal.
Si la thérapie s’avère nécessaire, sortir d’une situation de violence conjugale passe aussi par le fait d’aller demander de l’aide et de porter plainte. “Il n’y a pas de honte à être victime de violences. Malgré le courage que cela demande et la crainte de l’opprobre, ces hommes doivent oser porter plainte” conclut Alain Legrand. Un premier pas vers la reconstruction.
Par ailleurs, l’association “SOS Hommes battus” a fermé ses portes en fin d’année 2015. Il n’y a donc plus de structures destinées spécialement aux hommes maltraités. Néanmoins, les victimes peuvent se tourner vers l’association CVP (Contre la Violence Psychologique).
http://www.doctissimo.fr/psychologie/bien-avec-les-autres/violence/homme-battu