La santé mentale des hommes d’âge mûr: un groupe oublié
Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont des stratégies officielles pour promouvoir la santé mentale. Ces stratégies comprennent des suggestions et des cibles pour améliorer la santé mentale de toute la population. Elles comprennent également des mesures visant les sous-populations à haut risque, y compris les immigrants et les Premières Nations.
Cette approche est louable. Toutefois, une sous-population à risque élevé est largement ignorée dans les stratégies fédérales et provinciales de santé mentale : les hommes d’âge mûr.
Certains peuvent s’étonner que l’on puisse considérer que les hommes d’âge mûr constituent un groupe vulnérable, voire risible. Une perception commune est que ces personnes sont plutôt privilégiées par leur carrière, leur niveau d’épargne, la possession de voitures, l’accès à des vacances et par leur rang social, parfois prestigieux. De quoi pourraient-ils se plaindre?
La triste réalité
Malheureusement, les statistiques rapportent une réalité bien différente. Environ 75% des suicides au Canada touchent des hommes. Et ceux, âgés de 40 à 60 ans, ont les taux les plus élevés. De même, les taux de toxicomanie sont très élevés dans ce groupe frappant trois hommes pour une femme.
De plus, certaines recherches révèlent que la dépression est élevée dans ce groupe. Mais ceci est peu reconnu, en raison d’un diagnostic biaisé, puisque les cliniciens perçoivent la dépression comme une « maladie de la femme », et agissent en conséquence.
Tout cela pourrait être dû à divers facteurs:
- Premièrement, les industries traditionnellement masculines, telles que la fabrication, la foresterie et la pêche ont diminué brusquement. Cela a plongé de nombreux hommes d’âge mûr (surtout dans les zones rurales) dans le chômage ou le sous-emploi, avec une perte de dignité et de sens de leur existence.
- Deuxièmement, la recherche suggère que les hommes d’âge mûr vivent le divorce et la séparation de façon particulièrement difficile. Cela peut être un processus douloureux : les hommes perdent souvent leurs enfants, leurs épargnes, leurs amis, leur maison et leur réputation. En effet, une récente étude canadienne montre une mauvaise santé mentale dans ce groupe.
- Troisièmement, il existe peu de services statutaires spécifiques destinés à aider les hommes d’âge mûr. Par exemple, dans un récent rapport de Statistique Canada, on a noté qu’il y avait 627 refuges pour les femmes maltraitées et aucun refuge pour les hommes maltraités, même si les hommes représentent environ 50% des victimes de violence conjugale.
Combler les lacunes
Heureusement, les organismes de bienfaisance se sont mobilisés, comblant certaines lacunes dans la prestation de services. Movember est probablement le plus connu et a récemment financé de nombreuses initiatives, visant à promouvoir la santé mentale des hommes au Canada.
L’une de ces initiatives est intitulée «Déstabiliser le divorce : Vidéo participative en action».
Vidéo participative est une nouvelle approche innovatrice où les personnes marginalisées collaborent pour scénariser, produire et éditer leurs propres vidéos sur les questions et les sujets qui portent atteinte à leurs vies. Ces vidéos (suivies d’une discussion), qui en résultent, sont présentées aux publics ciblés afin de les sensibiliser, de construire des réseaux, de faire réagir le public et de catalyser les changements sur le terrain.
Movember a récemment financé une équipe pour mener un projet vidéo participatif avec des pères séparés, à faible revenu, vivant dans l’East End de Montréal. Beaucoup de ces hommes ont lutté contre la dépression et la tentation suicidaire, après leur séparation. Cette équipe s’est réunie une fois toutes les deux semaines pour produire une vidéo éclairante sur leurs luttes et leur endurance. Après quatre mois de dur labeur, un documentaire épatant a été produit. Celui-ci a récemment été projeté à Montréal, Toronto et Calgary, où il a été très bien accueilli.
Les hommes qui participent au projet déclarent que leur participation a été stimulante et thérapeutique. Le projet profite de la propension masculine à être pratique, inventive, et travailler en équipe. Il tire également parti de l’amour masculin, des gadgets et de la technologie. Pour beaucoup, cette approche pratique peut être plus préférable que de prendre une pilule ou de parler de leurs problèmes à un psychologue pendant une heure.
La vidéo qui en résulte fait prendre conscience des problèmes rencontrés par ce groupe oublié et vulnérable. En tant que tel, il peut être utilisé comme un outil éducatif pour accroître l’empathie, transformer les attitudes et encourager les autres hommes à agir et se connecter à des ressources locales.L’équipe espère que la vidéo sera utilisée par des organismes comme les services de santé mentale et les services sociaux, les groupes communautaires et les institutions éducatives. Bien que ce projet soit modeste, de telles petites étapes peuvent aboutir, quelque part, à la sensibilisation et à l’amélioration de la santé mentale dans cette population démographique oubliée, mais si vulnérable.
http://quebec.huffingtonpost.ca/robert-whitley/sante-mentale-hommes-age-mur_b_14252850.html