La pédophilie féminine est longtemps demeurée un tabou. Il faut le briser
LE PLUS. Le 2 juin, au Canada, une femme a été mise en inculpation pour avoir soumis son fils de quatre ans à un tournage pédopornographique. Émoi outre-Atlantique : comment une mère peut-elle abuser de son propre enfant ? Le criminologue et sexologue Jacques Waynberg lève pour Le Plus : un tabou terrible : celui de la pédophilie féminine.
La presse canadienne vient de révéler l’inculpation d’une femme âgée de 43 ans, qui a soumis son fils de quatre ans à un tournage pédopornographique. Cette révélation suscite un émoi effaré outre-Atlantique. Comment peut-on, lorsqu’on est mère, abuser sexuellement de son propre enfant ?
Longtemps occultés, les comportements incestueux et pédophiles féminins ne sont étudiés que depuis la fin des années 1980. La reconnaissance d’une telle rupture de l’image sacro-sainte de la mère est demeurée longtemps un tabou incontournable, indicible… Qu’il a bien fallu briser sous l’effet du tapage médiatique accompagnant, depuis, des procès hors normes.
Des indices anatomiques du viol absents
Cet embarras se retrouve dans les statistiques officielles qui tendent à chiffrer la proportion de femmes poursuivies devant les tribunaux pour agression sexuelle sur mineurs : 3,18% en 1999, par exemple, selon le service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger. En 2012, le ministère de la Justice dénombre 5 femmes jugées pour viol sur mineur par ascendant, contre 114 condamnés côté masculin.
Chacun s’accorde à penser que cette incidence est sous-estimée, notamment lorsque les victimes sont des garçons, puisque les indices anatomiques du viol vont être absents. Les auteurs américains Kaplan et Green, en 1995, en témoignent en publiant une fourchette d’implication féminine des délits sexuels sur mineurs s’étendant entre 4% et 24 % au cours de leurs travaux successifs.
Les femmes, exemptes des tendances perverses ?
La perplexité des chercheurs à observer la suspension d’un privilège d’impunité concernant la sexualité féminine est finalement illusoire : les puissants courants d’opinion qui prônent l’égalité hommes-femmes dans tous les domaines de la vie, professionnelle ou domestique, inspirent désormais une vision plus réaliste.
Tout l’arsenal d’émotions et de pulsions qui campent le profil type masculin est donc a priori présent chez les femmes. Il n’y a donc aucune raison de penser qu’elles soient exemptes des mêmes besoins, des mêmes défaillances, des mêmes traits psychiques pathogènes, des mêmes tendances perverses que les hommes.
Circonstances “atténuantes”
Il n’en demeure pas moins que le lien maternel crée dans l’inceste une aversion invincible. L’expertise médico-judiciaire doit néanmoins dénombrer objectivement les facteurs de fragilités, de prédispositions, de responsabilité, qui sont en amont du passage à l’acte.
Deux circonstances “atténuantes” sont à identifier. La vie des femmes pédophiles est souvent marquée d’épisodes d’agressions sexuelles dont elles ont été elles-mêmes les victimes. Par ailleurs, leur dangerosité à moyen terme et les risques de récidive sont d’autant plus difficiles à évaluer, que les faits incriminés mettent parfois en scène un coauteur, souvent le mari ou le compagnon.
En fin de compte, considérant les procédures “thérapeutiques” comme incertaines concernant les prédatrices, et parfaitement aléatoires concernant leurs victimes, l’accent doit être mis sur la prévention de tels agissements.
Une législation contre-productive
L’écoute de personnes qui se sentent en danger relève conjointement des pratiques psychiatriques et sexologiques. Psychiatrique, afin de discerner les failles qui minent la conscience, sexologique, afin d’élucider les conflits sexuels qui aliènent le vécu parental et prennent les enfants en otage.
Or le législateur a imprudemment réduit le nombre de consultations en matière de criminologie prédictive, en fixant dans le Code pénal, en janvier 2004 (article 226-14), des dérogations au secret professionnel, lorsque des informations dites préoccupantes sont révélées notamment au corps médical.
Cette mesure de bon sens pour la sauvegarde de l’enfance a un effet contre-productif inattendu : les femmes en difficulté, en souffrance, en réparation, n’osent plus se confier de crainte d’être dénoncées.
À des situations aussi critiques et douloureuses, n’opposons pas de façon obsessionnelle le bouclier de la loi comme seule mesure de réhabilitation. Faisons savoir que, sous couvert du serment d’Hippocrate, le médecin demeure le garant de l’ordre public, mais aussi du respect de tout être humain.
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