LA NEUROBIOLOGIE DU BONHEUR DE STEfAN KLEIN
Qui est Stefan Klein[1] ? C’est un physicien et un philosophe allemand. Journaliste de grand renom, il fut l’un des rédacteurs en chef du Spiegel[2] et de Geo Allemagne[3]. Son livre bestseller, Apprendre à être heureux. Neurobiologie du bonheur, a été traduit en vingt-cinq langues. Son livre est une synthèse de ses recherches en neurosciences, en psychologie sociale et en philosophie et démontre comment stimuler les émotions positives dans le cerveau. Pour Stefan Klein, le bonheur s’apprend de la même façon que l’on apprend à parler, à lire ou à cuisiner. Son objectif est de rassembler toutes les connaissances scientifiques et les utiliser pour apprendre à être heureux.
Définition. La neurobiologie est une branche de la biologie qui fait l’étude du fonctionnement des cellules et des tissus nerveux et l’influence qu’ils ont sur le comportement qui, à son tour, peut influencer le fonctionnement des cellules et des tissus nerveux. C’est une partie des neurosciences.
Ses hypothèses. Avec humour et clarté, Stefan Klein remet en causes bien des idées reçues et véhiculées par des intervenants de bonne foi. D’après lui, il existe un gène du bonheur et un système du bonheur dans notre cerveau, présent dès la naissance : le nombre de personnes naissant avec un esprit heureux, un esprit malheureux ou un esprit neutre serait à peu près égal, soit un tiers pour chaque catégorie.
La recherche sur les télomères[4] nuance quelque peu cette perception sans la contredire. Les télomères sont situés à l’extrémité de chaque chromosome et ont tendance à raccourcir avec chaque réplication cellulaire, l’âge et le stress, expliquant ainsi le processus de senescence. À la naissance, la moitié de la population viendrait au monde avec un télomère long et un télomère court, 30 % avec deux télomères longs et 20 % avec deux télomères courts. Ces derniers ont un risque plus élevé de maladies, tant physiques que mentales, avec le vieillissement alors que ceux qui possèdent deux télomères longs sont des candidats à un bonheur et un optimisme plus faciles. Quant à la moitié de la population, ils peuvent devenir optimistes ou pessimistes en fonction des événements de leur vie.
Les observations de Stefan Klein lui ont démontré que, dans 80 % des cas, les adultes étaient devenus pessimistes, malgré leur état à la naissance. Il a voulu savoir pourquoi et c’est ainsi qu’il en est arrivé à la conclusion que l’on peut apprendre à être heureux au même titre que l’on peut apprendre à être malheureux. L’état, bonheur ou malheur, dépendrait autant de notre relation à l’environnement et à la culture qu’à nos gènes. Pour arriver à être heureux la plupart du temps, Klein nous invite à gérer nos émotions et nos passions même si cela demande de la détermination, des efforts et du temps.
Pour lui, il existe sept catégories d’émotions : la surprise, la peur, la colère, la tristesse, la culpabilité, le mépris et la joie. À chaque fois que nous exprimons une émotion, celle-ci trace un sentier neurologique dans notre cerveau. Par exemple, à chaque fois que vous exprimez de la colère, vous sensibilisez les neurones cérébraux et vous vous mettez en colère pour des raisons de plus en plus futiles. À chaque fois que vous pleurez, la même chose se produit et vous augmentez vos risques de dépression.
Mais, ce qui est vrai pour les émotions « déplaisantes » l’est aussi pour les émotions « agréables », telle la joie et l’amour. À chaque fois que vous dites à votre partenaire que vous l’aimez, vous risquez de l’aimer davantage et qu’il ou elle se comporte de façon de plus en plus aimable. Simple question de conditionnement, nous dirait les behavioristes. C’est ce que les animateurs en rigolo-thérapie mettent en pratique : le rire est contagieux.
Le problème, c’est que « Lorsque deux émotions rivalisent pour occuper nos pensées, une déplaisante, l’autre réjouissante, c’est toujours la plus sombre qui remporte la compétition et finit par assiéger notre attention »[5]. Cela explique pourquoi il n’y a pas plus critiques entre eux que les deux membres d’un couple qui s’aiment : sur le coup d’une émotion déplaisante, les partenaires se font des remarques et sur un ton qu’ils n’utiliseraient jamais avec un ami ou un collègue de travail. La même chose se produit entre deux personnes si l’une est joyeuse et l’autre triste : la tristesse contaminera leur relation.
Pour être heureux, il faut donc combattre les émotions déplaisantes pour vivre des sensations et des émotions de joie et de plaisir, stimulant ainsi la production de dopamine, de vasopressine et d’ocytocine, lesquelles ont un effet positif sur le corps et l’esprit. Les gens heureux, surtout en couple, augmentent de 6 à 9 ans leur espérance de vie en bonne santé comme l’a si bien démontré Martin Seligman[6]. Mais, comme notre cerveau est bogué par la présence de toutes les émotions déplaisantes, il est plus difficile et cela demande beaucoup plus d’efforts pour être heureux que pour être malheureux.
Beaucoup d’efforts doivent être faits pour éviter les cinq pièges qui nous empêchent d’être heureux.
- L’illusion à soi-même. La majorité des gens, surtout les hommes, mettent davantage l’accent sur leur travail que sur leur famille et leurs amis. Pourtant, l’un des piliers du bonheur réside dans la chaleur des relations humaines.
- Le mauvais timing. C’est la dernière impression qui s’impose à la mémoire, d’où l’importance d’imprégner notre mémoire à l’apogée de nos moments heureux.
- Les faux espoirs. Les attentes, surtout illusoires, infantiles ou narcissiques sont sources de découragement car jamais satisfaites. Mieux vaux avoir des attentes réalisables.
- L’envie et la jalousie. Croire que l’herbe est plus verte chez le voisin que chez soi est une comparaison qui rend malheureux, tout comme la crainte de perdre son partenaire au profit d’un autre.
- La course aux rats. Tous aspirent à la prospérité. Mais toutes les enquêtes démontrent que l’argent n’apporte qu’un bonheur temporaire. Passé un certain niveau de revenus, l’argent ne rend pas plus heureux.
Ses conclusions. Les citations suivantes sont tirées de son livre Apprendre à être heureux, avec parfois quelques commentaires.
- « Le malheur détruit l’esprit, le bonheur le construit.» (p. 15)
- « Réflexions et sensations forment les deux faces de la même médaille.» (p. 15)
- « Nous sommes incapables de décider d’être heureux. » (p. 30) Mais nous pouvons créer les conditions pour apprendre à l’être.
- « En agissant sur nos sentiments, on influence le corps. » (p. 37)
- « Les sentiments négatifs martèlent notre sensibilité de façon plus intense que les sentiments positifs. » (p. 45) L’intelligence émotionnelle consiste justement à prioriser les sentiments positifs.
- « Le côté droit (du cerveau) s’occupe des sentiments négatifs, tandis que la partie gauche du lobe frontal s’active dans les moments de joie.» (p. 53)
- « Les sentiments positifs nous disent ce que nous devons faire, les négatifs ce dont nous devons nous abstenir. » (p.53)
- « Le contrôle des émotions négatives est l’un des secrets du bonheur.) (p. 62)
- « Vouloir lutter contre la colère en lui donnant libre cours, c’est donc verser de l’huile sur le feu. » (p. 80)
- « Le bonheur est une fonction de Jouvence pour le cerveau. » (p. 84)
- « À trop se préoccuper de son mal-être, on en exacerbe la perception.» (p. 89) Ainsi que la persistance : c’est pourquoi les psychanalyses durent si longtemps. Parler d’un problème double le problème.
- « Il est impossible de modifier notre nature et, d’ailleurs, nous n’avons aucune raison de le faire. » (p 106)
- « Le désir et la compréhension sont donc étroitement liés. Le plaisir rend intelligent et, sans lui, il est difficile d’apprendre. » (p. 117)
- « Quand on se sent bien, on n’a tout simplement plus aucune raison de se battre. » (p. 175)
- « Ce que l’on vit est moins important que la manière dont on le vit. » (p. 199) Une question d’attitude, quoi !
La principale conclusion des recherches de Stefan Klein est que l’on peut apprendre à être heureux tout comme on peut apprendre à être malheureux, seul ou à deux. Le choix est le vôtre. Il semble toutefois qu’il soit plus facile d’être heureux à deux : 40 % des couples se disent heureux contre seulement 25 % des célibataires.
Test pratique. Assoyez-vous confortablement, fermez les yeux et rappelez-vous un événement traumatisant de votre enfance tout en restant attentif aux sensations, aux émotions et aux pensées que cela provoquera en vous. Prenez quelques minutes pour bien vous imprégner de ce souvenir malheureux avant de lire la suite.
Peu importe le contenu de votre souvenir, vous aurez probablement ressenti un poids sur vos épaules ou une pression sur votre poitrine. Votre respiration s’est peut-être arrêtée ou, au contraire, s’être accélérée. Vous avez ressenti soit de la tristesse, soit de la peur, soit de la colère. Vous aurez aussi probablement porté un jugement sur vous-même en tant qu’enfant. C’est du moins ce que me rapportent les participants à mes formations lorsque je les mets dans cette situation.
Refaites maintenant la même expérience en vous rappelant, cette fois-ci, un souvenir heureux de votre enfance et vous comprendrez jusqu’à quel point nos pensées, nos sentiments, nos émotions influencent nos sensations et, partant, notre bonheur ou notre malheur. Se rappeler des souvenirs heureux nous rend plus léger et joyeux, alors que les souvenirs malheureux nous dépriment. Nous ne pouvons pas ne pas penser, mais nous avons un certain contrôle sur le contenu de nos pensées. Idem pour les couples qui ont un pouvoir certain sur le contenu de leurs communications : les couples malheureux sont devenus experts en communication « merdique » là où les couples heureux pratiquent une communication florale.
[1] https://en.wikipedia.org/wiki/Stefan_Klein.
[3] https://shop.geo.de/de_DE/alle-geo-magazine-geo-magazin/geo-magazin.html?onwewe=0103&gclid=EAIaIQobChMIvaq-sf25-QIVFsDICh1bogCYEAAYASAAEgIU6vD_BwE.
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9lom%C3%A8re.
[5] Klein, Stefan, Apprendre à être heureux. Neurobiologie du bonheur, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 258.
[6] Martin Seligman est considéré comme le père de la psychologie positive.