Confiance mise à mal
Marja Monette a deux jeunes enfants de 5 et 3 ans. Mère impliquée à la barre du blogue Parfaite maman imparfaite, elle en connaît un rayon en matière de parentalité. Et pourtant, elle doute.
« Il y a des journées où ça ne va pas bien, où tu ne suis pas du tout ce que tu voudrais faire. Le manque de patience… le manque de sommeil… tu te couches le soir et tu te dis : “D’un coup que je suis en train de scrapper mon enfant ?” Tu n’as pas confiance parce que tu as peur de ce que tes enfants peuvent devenir. Scrapper… le mot est gros, mais c’est ça. »
Au fond d’elle-même, Marja sait que ses enfants grandissent dans un milieu sain et favorable. Dans un billet publié récemment, elle s’est d’ailleurs posé la question : pourquoi a-t-elle du mal à souligner elle-même ses bons coups ? « On m’a déjà demandé : “Est-ce que tu te considères comme une bonne mère ?” Je n’ai pas été capable de répondre. C’est drôle, hein ? C’est comme si, pour répondre à cette question-là, il aurait fallu que je demande à mon conjoint, ou à mes enfants : “Qu’est-ce que vous en pensez ? Je peux répondre oui ?” Au mieux, je peux dire que je suis pas pire. J’en fais, des bons coups, pourtant ! Quand je regarde mes enfants, je pourrais me dire que je fais une bonne job ! »
Sa vie de famille a beau être agréable et ses enfants, heureux, la jeune mère admet elle-même que l’image de la « bonne mère » qu’elle s’est forgée au fil des années est « un peu erronée ». « Pour moi, la bonne mère est toujours en contrôle, mais parfois, ça ne fonctionne pas, confie-t-elle. J’essaie d’inculquer à mes enfants qu’ils ont le droit de faire des erreurs, mais c’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à appliquer pour moi. C’est fou, là ! Être parent, c’est un apprentissage. Je dois comprendre que je suis en apprentissage en ce moment. Parfois, on cherche juste trop loin… quand la réponse est sous nos yeux. »
Devenu père au début de sa vie adulte, Marc-André Durocher l’admet d’emblée : il doute, et souvent. « Comme jeune père, je me suis senti inadéquat sur une série de choses dès le départ, raconte-t-il. J’étais étudiant, je n’avais pas d’argent, les gens autour de moi ne s’attendaient pas à ça. Je sentais beaucoup de craintes autour de moi. J’avais envie d’être père depuis l’adolescence, et toutes mes impressions positives se transformaient en quelque chose d’inadéquat. »
Aujourd’hui, son aîné a 8 ans et son cadet, 3 ans. Le père de famille travaille auprès des adolescents à la Maison des jeunes d’Outremont, et son amoureuse est éducatrice spécialisée. Malgré leurs compétences, les parents se questionnent régulièrement sur leurs interventions. « On peut maintenant s’approprier notre famille à notre manière, mais parfois, on n’arrive plus à se retrouver. Je suis content d’avoir cette liberté de vivre selon nos propres valeurs, mais en même temps, mon angoisse, c’est de savoir que j’ai peut-être fait des choses contradictoires… et qu’il va falloir que je vive avec ! », lance-t-il avec humour.
N’empêche, le père de famille estime que ce doute est essentiel, voire souhaitable. « On peut manquer de confiance, comme parent, et ça va de soi, mais il faut faire confiance à son doute, tempère-t-il. Le doute, c’est le luxe de ma paternité. Ça me permet d’essayer de nouvelles affaires et d’avancer. »
Il ajoute que la possibilité de se remettre en question est « presque révolutionnaire » pour les pères. « Je suis affecté par l’éparpillement de l’information, c’est sûr, mais ce questionnement nous amène à un niveau de conscience que les pères n’avaient pas avant. »
« Je le dis très humblement : depuis que je suis mère, j’ai comme la sensation de ne jamais être sur mon X », confie d’emblée la comédienne Bianca Gervais. À la barre de l’émission Format familial avec son conjoint Sébastien Diaz, à Télé-Québec, elle s’applique à présenter la famille telle qu’elle est, sans jugement.
Malgré ce discours déculpabilisant, Bianca l’admet : elle a l’impression récurrente que le moindre faux pas pourrait nuire à sa fille de 3 ans. « Mon enfant, je vois ses grandes forces, et je vois ses faiblesses aussi. Je me demande si je suis responsable de ses faiblesses, affirme-t-elle. Est-ce que c’est dans son caractère à elle, ou si ça me revient, comme parent ? Est-ce que j’ai été inadéquate dans quelque chose à un moment précis ? »
Du même souffle, elle ajoute : « Pour piloter des avions, on donne des heures et des heures de cours, mais pour élever un être humain équilibré, il n’y a aucun cours : on te laisse avec ton livre Mieux vivre, et arrange-toi ! On est des parents en quête de sens. »
Pour son émission, mais aussi par curiosité personnelle, elle a discuté avec de nombreux spécialistes et lu une kyrielle de livres. « Un jour, je lis un truc, et j’essaie de l’appliquer. J’essaie de ne pas répondre non, mais d’y aller avec une réponse plus ouverte. J’essaie de ne pas miser sur son apparence physique, mais de pointer ses forces dans l’action. J’essaie… Ah ! Je suis toute perdue ! », illustre-t-elle en riant.
La comédienne estime qu’on doit encore collectivement réconforter les parents, leur rappeler qu’ils font de leur mieux. « On a besoin de se dire : “Hey, on se slacke-tu le bolo ?” On a besoin de ce discours-là. On met des étiquettes aux parents comme le parent indigne, le parent hélicoptère, le parent hippie, alors que, somme toute, on veut tous juste le bonheur de nos enfants. »