Inceste, ces mères qui laissent faire
« Et ta mère ? Elle n’a rien vu ? Rien su ? Rien voulu savoir ? » Dès qu’elle raconte son histoire, Hélène, 46 ans, violée entre 9 et 13 ans par son grand-père, se voit bombardée de ces sempiternelles questions : « C’est systématique, confie-t-elle dans un petit sourire, et je ne sais pas quoi répondre. Son refus de voir, son agressivité contre moi, je ne l’explique pas. J’en souffre, c’est tout. » Dans le flot de témoignages publiés sur les réseaux sociaux sous le hashtag #MeTooInceste depuis quinze jours, il est presque toujours question du rôle des mères des victimes. Pas de celles coupables d’inceste – elles existent, mais dans des proportions minimes, représentant moins de 5 % des jugements. Mais de celles d’enfant(s) abusé(s) par un père, un beau-père, un grand-père, un frère, un oncle, un cousin… Elles sont témoins ou pas, complices ou non, aveugles ou faisant mine de l’être. Rares sont les victimes qui leur rendent hommage comme Armelle (1), violée par son beau-père, qui twitte « Ma mère m’a crue et l’a mis dehors », ou Ju’, violée très petite, qui écrit « Merci à ma mère, qui a su ce que je ne pouvais pas exprimer ».
L’immense majorité raconte l’inverse, et la sacro-sainte figure de la mère protectrice prend sacrément, à la lecture des récits accablants, du plomb dans l’aile. Au hasard ? « J’avais 7 ans puis 9 environ, et aussi 12…, twitte EvelyneFéeLiseuse. J’ai osé en parler pour le troisième. J’ai cru être entendue par ma génitrice. Mais non. Elle a flippé… » Celle de JulinePernette a « voulu [l]’interner », celle de CynthiaEdl ne l’a « jamais défendue, contente que je prenne viols et coups à sa place », celle de TataHiti l’a traitée de menteuse. Réaction de la mère de Sandra, violée à 8 ans par son oncle ? « Ne me demande pas de choisir entre mon frère et toi. » La mère de Doehr faisait « semblant de dormir » lorsque sa fille était visitée la nuit par son beau-père. Celle de MonteiroArlète l’a giflée, celle de Kiikkaia a fermé les yeux par « peur de perdre son confort »… Il y a celles qui minimisent (« c’est bon, oublie tout »), relativisent (« les hommes ont des pulsions sexuelles »), ou traitent leur fille d’« affabulatrice ».
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