Hommes battus : pourquoi on ne les croit pas
« À tort ou à raison, je me dis qu’un homme a tout de même plus de possibilités qu’une femme de ne pas se retrouver dans cette situation », reconnaît Serge Hefez, un peu piteux. Il n’est pas le seul : je pense à mon ami Pierre, un homme solide et musclé à qui personne ne songerait à chercher des noises, qui m’a avoué, des années plus tard, s’être retrouvé deux fois à l’hôpital après une « altercation conjugale ». Il ne s’est pas défendu, parce qu’« on ne frappe pas une femme ». Il n’est pas non plus allé « pleurnicher dans une association ». Il n’a pas porté plainte. Il s’est seulement « extirpé de la nasse », et engagé dans un divorce douloureux dont il est sorti démoli et presque ruiné. « Il m’a fallu du temps pour comprendre, et pour avoir les couilles de le faire », a-t-il fini par m’avouer. Ça serait donc, encore et toujours, une question de « couilles » ? Malaise.
Témoignages d’hommes battus
Stéphane, 50 ans, chirurgien-dentiste : “J’étais devenu son esclave”
« Ses violences quotidiennes, physiques et psychologiques, m’ont dévasté. J’étais devenu son esclave. Elle m’a manipulé, complètement ; elle manipulait aussi la police et la justice. Ça a été un travail de fou de faire émerger un début de vérité. J’y ai perdu mes cheveux, mes sourcils et ma barbe. Mais je me suis battu pour ne pas perdre mes enfants. Et j’ai fini par être entendu. Au moins suffisamment pour pouvoir repartir dans la vie. »
Daniel, 70 ans, retraité : “Je n’osais pas me manifester”
« Tout se passait à huis clos : j’étais comme une femme battue, qui n’ose pas se manifester de peur de redéclencher sa fureur. Et quand j’osais, personne ne me croyait : les rapports disent que je me “positionne” comme victime… J’ai fini par me faire entendre, mais à quel prix ! La justice l’a condamnée, mais surtout m’a confié notre fils. Nous réapprenons à avoir une vie normale. »
Étienne, 43 ans, fonctionnaire : “C’était comme si je n’existais plus”
« À partir de la naissance de notre fils, ma femme m’a ignoré. Totalement. Comme si je n’existais plus du tout. J’ai mis du temps à admettre que cette situation était d’une extrême violence. Après avoir fait longtemps profil bas, j’ai fini par accepter d’en parler, à ma mère d’abord, puis à SOS Papa. J’ai organisé mon départ, étape par étape, pour ne pas perdre mon fils. Il m’a fallu des mois pour me remettre à penser normalement. »
Medhi, 51 ans, directeur de société : “Personne ne m’a soutenu”
« Dès le départ, j’ai été pris dans un étau : plus je gesticulais, plus le piège se refermait. J’ai été dépassé, violenté, humilié, mais face aux évidences, personne ne m’a soutenu, à part ma sœur. Cette femme m’a entraîné dans un cauchemar. J’ai tout perdu. Heureusement, la justice pénale a rétabli la vérité. Elle a été condamnée, et moi, je me reconstruis, lentement. »