Histoire de la misandrie
Ce livre vient à point pour combler une lacune. On parle beaucoup de sexisme, on le dénonce, avec raison mais aussi avec exagération. Et surtout avec omission: on ne parle presque jamais du deuxième sexisme.
http://www.devarly.net/home-de-varly/65-misogynie-misandrie-il-y-a-deux-sexismes-9782375040522.html
Le livre de Patrick Guillot est dérangeant. Il démontre, par une recherche historique et actuelle bien documentée, que les hommes aussi sont et ont été objets de dénigrement sexiste. On nomme ce sexisme la misandrie.
Il faut au moins deux critères pour qu’il y ait sexisme:
1. une discrimination préjudiciable et excluante, en actes et/ou en mots, associée en premier lieu (ou uniquement) au sexe de la personne;
2. un jugement négatif et dénigrant, soit sur la personne en raison de son sexe, s0it sur l’ensemble du sexe auquel cette personne appartient – le fait de dénigrer l’ensemble d’un sexe permettant de rendre suspect chaque individu de son groupe.
Selon ces critères il n’échappe à personne que les sociétés occidentales sont aujourd’hui plongées dans un sexisme misandre massif et particulièrement agressif. Sous l’effet pervers d’un féminisme hargneux et revanchard on accuse aujourd’hui les hommes parce qu’ils sont hommes, en inventant des concepts essentialistes et déshumanisants comme la domination masculine ou la masculinité toxique.
Les tribunaux donnent en général ouvertement une préférence aux femmes contre les hommes. Le malheur du monde serait dû au masculin violent, conquérant et insensible, alors que le salut sera la conséquence de la bienveillance féminine. D’ailleurs, lors d’agressions en public, seules celles où des femmes sont victimes sont dénoncées par les féministes, dans une intention selon moi d’accaparement exclusif du statut de victime.
Or tout ce qui se dit contre les hommes n’est ni rare ni récent. Le sexisme misandre ne date pas d’aujourd’hui. Patrick Guillot est allé faire un tour du côté des moyenâgeux.
Cette partie historique, fluide et instructive, réserve des surprises. Qui se serait attendu à trouver un texte aussi ouvertement misandre que celui d’Agrippa, à une époque où les femmes n’auraient pas eu d’existence selon les légendes urbaines modernes?
En 1509 en effet le médecin et philosophe allemand Heinrich Cornelius Agrippa publiait un ouvrage intitulé: De la supériorité des femmes. On trouve entre autres ce passage:
« Pour finir et pour me résumer le plus brièvement possible, j’affirme qu’il est grand temps pour nous de reconnaître et de proclamer la supériorité du sexe féminin: je l’affirme supérieur (…) Dieu a, dans tous les domaines, offert aux femmes plus de dignité et de qualité qu’aux hommes. »
Je passe rapidement au XIXe siècle. Hubertine Auclert décrit le passage d’une société d’essence masculine à une société d’essence féminine, « idéalement bienveillante » comme le souligne Patrick Guillot. Femme de lettre issue d’une famille aisée, cette bourgeoise féministe s’est battue (justement) pour le droit de vote mais elle fustige la « tyrannie » masculine:
« Ce qu’il faut aux femmes pour s’affranchir de la tyrannie masculine – faite loi, – c’est la possession de leur part de souveraineté ; c’est le titre de Citoyenne française, c’est le bulletin de vote. »
Aujourd’hui on va plus loin, sans état d’âme. Le mâle blanc hétéro est devenu le juif des matrones féministes. Ainsi Christine Delphy (image 3), une enragée dont l’influence est malheureusement grande écrit:
« Les hommes est le nom que se donne la collection d’individus qui ont dépossédé tous les autres êtres humains de leur qualité humaines. »
La haine de sexe et la paranoïa de genre sont ici élevées au rang de théorie identitaire. Voire même de justificatif préalable de toutes les théories et actions ultérieures visant à déclasser les hommes parce qu’hommes.
Ce n’est plus de la pensée, c’est quasiment de l’écriture automatique. Toutes n’y plongent pas mais toutes en sont éclaboussées.
C’est une manière d’annuler l’existence masculine ou de ne lui laisser que les miettes moisies de la poubelle de l’Histoire. C’est aussi exonérer les femmes de toute responsabilité dans les choix qui ont modelé le monde. Ces féministes ne le voient pas mais elle installent un nouveau stéréotype en plus de celui du « mauvais homme »: celui de l’irresponsabilité féminine.
La marxisation du discours féministe à l’oeuvre depuis les années 1960 a peu à peu contaminé des hommes. Ainsi le sociologue Léo Thiers-Vidal. Spécialisé dans la recherche sur les masculinités et engagé dans la cause féministe, il a assimilé la culpabilité et l’auto-flagellation que tout homme féministement correct devrait s’imposer:
« Reste quand même le fait que je suis un homme. Que j’ai été éduqué, socialisé et fait membre du groupe opprimant. (..) Je bénéficie de tous les avantages des hommes et de l’oppression quotidienne dans laquelle vivent les femmes.* »
Il s’est suicidé à 37 ans. Il a brisé ses chaînes d’oppresseur (ou d’opprimé du féminisme?). Sa disparition physique en tant qu’homme est logique. Plus d’homme, plus de problème. C’est une forme d’aboutissement de la transformation du monde en officine misandre.
L’auteur recense encore les preuves de misandrie dans les études sur la violence conjugale. La violence peut être de nature différente mais l’initiative est largement partagée selon les enquêtes sorties au Canada, aux États-Unis et en France ces dernières décennies.
Le stéréotype de la femme-victime et de l’homme-bourreau, sa généralisation et les délires idéologiques qu’il inspire, la surinterprétation criminelle de certains comportements masculins, sont durablement installés.
Pour briser les chaînes dans lesquelles les hommes sont mis, il faut s’informer et faire la part des choses, en particulier décrire et socialiser le concept et les pratiques de misandrie. Pas de compétition victimaire ici, seulement un rééquilibrage des choses.
L’auteur Patrick Guillot, responsable du site La cause des hommes et membre fondateur du Groupe d’Étude sur les Sexismes, s’y emploie avec talent. Il a réalisé un travail fouillé tout en restant facile à lire.
Je pourrais citer encore de nombreux extraits passionnants et instructifs. Je laisse le livre remplir cette tâche puisque c’est son rôle.
Il est disponible sur internet.
*: Extrait de Anarchisme, féminisme et la transformation du personnel, in Rupture anarchiste et trahison pro-féministe, écrits et échanges de Léo Thiers-Vidal, Lyon : Bambule, 2013, 59.