Gabriel a 7 ans quand les “rituels purificatoires” débutent.
Des toilettes forcées que sa grand-mère pratique sur lui. Ces frictions au niveau du sexe qui durent de longues minutes précèdent des séances de prière. Tous les mardis soir, elle recommencera. Durant sept longues années.
À l’époque en fusion avec sa grand-mère, l’enfant ne dira rien. Mais des années après, viendront la honte, puis une dépression nécessitant une hospitalisation en milieu psychiatrique. Gabriel, devenu adulte, subit en silence cette souffrance dont il ne comprend pas l’origine. Et il faudra une psychanalyse pour que, enfin, à 35 ans, il parle. Qu’il raconte ces rituels. Les vrais mots, eux, seront dits par la thérapeute: “agression sexuelle”, “inceste”. Enfin, Gabriel va pouvoir se libérer, avancer, raconter. Le résultat c’est un livre, “La Cul-Singe” (surnom donné à cette femme). Un livre qui dénonce les conséquences épouvantables des agressions sexuelles sur des enfants. Des agressions perpétrées qui plus est par un membre adoré de la famille à l’origine d’une grande confusion et d’un conflit de loyauté, bloquant la dénonciation et la reconstruction. Un livre qui dénonce aussi les agressions que vivent les petits garçons, certes moins fréquentes que celles sur les petites filles mais tout autant traumatisantes.
D’autant qu’ici l’agresseur est, et c’est aussi une rareté, une femme, majorant par là le sentiment de honte et d’humiliation vécue, et la difficulté à parler par peur de ne pas être cru. On mesure le courage et la résilience qu’il a fallu à cet homme, aujourd’hui journaliste, marié, père de famille, pour se raconter dans ce roman implacable.
“La Cul-Singe” de Fabien Vinçon, éditions Anne Carrière,
La Cul-singe, c’est le surnom que lui donnaient ses petits-fils. Gabriel, son préféré, est aspiré depuis toujours dans le huis clos incestueux qu’a construit cette grand-mère hors norme. Deux obsessions la hantent : le sexe et son gendre.
Racontée à travers un regard d’enfant, cette autre Folcoche incarne les femmes d’une certaine époque. Épouse au foyer, elle n’a pas le permis de conduire, ni la permission de signer ses chèques. Pourtant, elle règne sur la famille. C’étaient les années 1970 à Paris, les enfants n’occupaient pas encore le centre de l’attention, ils étaient de simples spectateurs de leur propre famille. Les parents s’enthousiasmaient pour Chirac, qui venait de prendre la Mairie. Le père s’imaginait en seigneur tout aussi flamboyant. La mère était une des premières ingénieures.
Entre morale étroite de la petite bourgeoisie et religiosité archaïque, ils rêvaient d’éclat, de réussite sociale et de bonheur.
Fabien Vinçon est né en 1970 à Paris, où il vit toujours.
le 31/01/2022 à 00h00 par Marina Carrère d’Encausse