Quatre heures d’audience n’ont pas suffi au tribunal jeudi pour obtenir des éclaircissements sur le calvaire qu’a subi la petite Linda. Le 20 janvier 2011, sa mère se présente avec elle vers 17 heures au centre de secours de Frévent. L’enfant présente une plaie très importante sur le dessus de la tête. Immédiatement, les sapeurs-pompiers appellent l’équipe médicale du SAMU. La jeune fille est transférée en urgence au centre hospitalier d’Arras, d’où elle sera ensuite transportée au centre hospitalier régional de Lille. Elle n’en sortira qu’un mois et demi plus tard, après plusieurs opérations chirurgicales. Soustraite à l’autorité de sa mère, la petite fille sera placée en foyer, tandis que l’enquête commence pour déterminer les causes de sa blessure.

Les parents évoquent une chute, ce que tous les examens médicaux contredisent.

Le jour de l’arrivée de l’enfant dans ses services, le centre hospitalier d’Arras signale au procureur de la République ses suspicions de maltraitance, indiquant que les lésions constatées n’ont pas d’explication logique. La plaie que Linda présente sur le dessus du crâne impressionne le corps médical. «  L’équivalent d’un triangle de 5 centimètres par 8, où la peau a été littéralement arrachée. Le médecin légiste établit que la couche de liquide blanchâtre qui recouvre cette partie de la tête indique que la plaie date de 48, voire 72 heures  », rapporte la présidente Hibon. La mère et son conjoint de l’époque n’ont pas d’explications à apporter. Ils évoquent une chute, ce que tous les examens médicaux contredisent. Ils expliquent que la petite fille se grattait la tête… et qu’ils lui attachaient les mains pour l’en empêcher, allant jusqu’à la faire dormir ainsi ligotée, assise dans sa chaise haute.

« Comme si Linda n’avait jamais existé »

À cette plaie crânienne s’ajoutent des brûlures aux bras, dues aux liens qui la tenaient attachée, et des ecchymoses sur le visage. Lors d’une perquisition au domicile, le beau-père remet aux enquêteurs des photos alarmantes de Linda, prises en décembre 2010. «  Je crois que je n’ai jamais vu ça de toute ma carrière. Son visage entier est tuméfié. C’est ce que le tribunal a pu voir de pire en matière d’hématome  », témoigne la vice-procureur Élise Bozzolo. Les réponses des prévenus restent floues, timides. Pas d’aveux. Le beau-père souffle des «  si vous le dites, c’est possible  » aux questions sur les coups. Le couple – séparé désormais – invoque la peur, l’alcool ou le surnaturel. Sans jamais se livrer pour aider le tribunal à comprendre. Le ministère public résume au tribunal qu’il «  a à juger en 2016 deux individus qui ne se rappellent plus de rien et n’ont rien à vous dire ; qui se comportent comme si Linda n’avait jamais existé  ». Le tribunal a suivi ses réquisitions, à savoir six ans de prison ferme et trois ans de suivi socio-judiciaire, mais sans ordonner de mandat de dépôt.

« Rapidement incarcérés »

Le tribunal n’a pas prononcé de mandat de dépôt suite au délibéré, mais la présidente Hibon a précisé que les peines d’emprisonnement «  seront rapidement mises à exécution  ». Le tribunal a laissé quelques jours à la mère et au beau-père pour préparer leur incarcération. Tous deux ont déjà été placés en détention provisoire et étaient maintenus sous contrôle judiciaire.