Cissé : le compagnon violente sa fille, elle le couvre par amour
J’aurais dû voir. J’aurais dû douter. J’aurais dû appeler le médecin. Oui, mais voilà, de tout cela, Sabrina s’est abstenue.
« C’est quoi pour vous être mère », interroge le président. « C’est protéger son enfant », répond la jeune mère de 29 ans, une voix froide, quasi mécanique, dont elle ne se départira pas de toute l’audience. Elle semble détachée ou totalement sidérée.
Le président exhibe les photos de l’impensable? Et rien ne se passe. Sur les clichés couleurs rapidement montrés, surgissent les fesses d’une enfant de deux ans et demi qui ont viré au noir sous les coups, un visage marqué par un bleu et une touffe de cheveux arrachée.
Sabrina a vu. Sabrina a su. Sabrina a couvert. Sabrina a tenté de dissimuler. Elle le reconnaît. « Oui, j’étais choquée quand je suis revenue et que j’ai vu. Alexandre m’a dit qu’il lui avait mis deux grosses fessées. » « Vous avez fait quoi après ? » « Je lui ai mis de l’arnica? et on est allés se coucher ! » C’est mardi dernier que la petite fille dérouille en milieu d’après-midi. Elle est seule avec Alexandre, le nouveau compagnon de sa mère. A deux reprises, elle fait pipi par terre, provoquant un déchaînement de colère du jeune homme de 25 ans, père d’un autre enfant.
« Je lui ai mis de l’arnica » « J’ai eu un moment d’impulsivité », reconnaît-il. Après avoir nié, il a fini par reconnaître six fessées et une gifle.
Le bleu sous l’oeil et la touffe de cheveux arrachée, personne ne veut assumer d’autres violences. « Y avait un nœud quand j’ai voulu la peigner », assure Sabrina sans convaincre.
Ses explications n’avaient pas plus convaincu son ex, ni la mère de ce dernier. Il avait découvert l’état de sa fille en venant la chercher jeudi dernier. Paniqué, il avait prévenu sa mère qui avait interrogé Sabrina avant d’aller au CHU. Les urgences pédiatriques avaient signalé les violences dans la foulée, entraînant le placement en garde à vue du couple de Cissé, lundi.
Le président Callen ne lâche pas Sabrina. « Pourquoi avoir décalé le jour de garde de l’assistante maternelle ? » « Pour pas qu’elle voit ! » « Ce n’est pas un comportement de mère ! » « Je vais m’arrêter. J’étais amoureuse? »
Séparée depuis décembre, Sabrina vivait avec Alexandre. Un jeune homme déjà épinglé pour des violences. C’est lui que le procureur Vukadinovic interpelle. « Je veux que vous vous souveniez de la gravité de ce que cela représente, vous qui pleurnichez à l’idée de partir en prison. Moi, je pense à cette petite fille ! »
Il requiert trois ans de prison contre lui, avec une partie en sursis et une incarcération immédiate. A l’encontre de Sabrina, il réclame un an de détention sans mandat de dépôt.
« Je suis choquée de ce que j’ai entendu. Une partie des faits seulement a été reconnue », insiste Me Cécile Gomez qui défend les intérêts du père de la fillette.
« C’est important de sortir du déni », souligne Me Charlotte Wailly en l’illustrant d’un épisode familial intime. « Il a commencé à parler, à se rapprocher de ce qui s’est passé. C’est important pour éviter que cela se reproduise. » Ce devoir et ce travail de parole, elle les imagine loin de la case prison.
Tout comme Me Ibrahima Dia qui convient que, non, « on ne peut pas tout faire par amour ? Elle n’a pas fait tout ce qu’il fallait, mais avait-elle seulement conscience de tout cela ? »
Le tribunal a envoyé Alexandre Godet en détention un an et demi pour les violences sur mineur par ascendant.
Sabrina Rabier aussi est partie en détention, quatre mois, pour la non-dénonciation de mauvais traitements.