Ce que l’on sait de la séquestration de trois années de Gaëlle Boulestin par sa mère et sa sœur
Le 24 août, Gaëlle Boulestin, une jeune femme de 25 ans s’enfuyait de la maison familiale proche de Saint-Jean-d’Angély ou elle était séquestrée depuis 3 ans par sa mère et sa sœur. Toutes deux sont aujourd’hui incarcérées et l’enquête devra notamment déterminer si la justice a failli par manque de vigilance.
Fin août, à Bignay en Charente-Maritime, la jeune Gaëlle Boulestin réussissait à mettre fin à un calvaire en se réfugiant chez une voisine. Sa mère Lorena Rodriguez-Cortez, et sa sœur, Audrey Boulestin, la séquestraient depuis trois ans. La première est incarcérée en hôpital psychiatrique et la seconde à la prison de Gradignan. Une procédure judiciaire avait été initiée en 2020 après un signalement des services sociaux.
Dans la nuit du 24 août, Gaëlle Boulestin interpelle sa voisine
Au secours, aidez-moi, j’ai été séquestré, appelez la police
: c’est ce que Gaëlle Boulestin a répété quatre ou cinq fois à sa voisine Jennifer Renouleau, 34 ans, qui la découvre dans la nuit après l’avoir entendue crier. Il était environ 00 h 45, je dormais les fenêtres ouvertes et j’ai entendu « Au secours, au secours » »,
a-t-elle déclaré à Sud-Ouest . Cinq ans que j’habite ici, et je pensais que la maison était abandonnée
. La voisine, qui a joué un rôle clé dans la libération de la séquestrée, poursuit son récit en indiquant que Lorena Rodriguez-Cortez, la mère d’origine mexicaine de Gaëlle, est ensuite arrivée :Elle lui a demandé de rentrer et prétexté que j’étais peut-être méchante. Sa fille n’arrêtait pas de lui dire : « Dejame, dejame » (laisse-moi en espagnol) Elles s’insultaient ».
La gendarmerie, que Jennifer Renouleau a appelée avant d’écouter Gaëlle se confier, arrive sur les lieux vers 1 h 30.
La mère et la sœur sont incarcérées
Les gendarmes auscultent la jeune victime et constatent que, outre son aspect pitoyable (pieds nus, en culotte et en gilet, cheveux emmêlés, odeur d’urine et d’excrément) présente des traces de coups et des griffures sur le corps. Ils se rendent dans la maison indiquée, en bordure de route, à 400 mètres de Bignay où vivent 400 personnes, et découvrent ce qui ressemble effectivement à une geôle : une chambre à la fenêtre obstruée par des planches en bois clouées et remplie d’immondices et d’excréments. La maison est délabrée, sans eau ni électricité.
Lorena Rodriguez-Cortez, la mère, et la sœur Audrey sont interpellées, puis mises en examen le 2 septembre pour séquestration de nature criminelle. La mère est incarcérée en hôpital psychiatrique. Elle reconnaît l’enfermement de sa fille, mais assure qu’elle était volontaire. Détenue à la prison de Gradignan, la sœur, accusée d’avoir donné des coups de bâtons, est restée muette lors des auditions avec la justice.
Gaëlle Boulestin a déposé plainte contre sa mère, mais pas contre sa sœur.
La mère et la fille se sont converties au mennonisme
Si certains faits sont établis, les causes d’une telle dérive familiale restent encore inconnues. Toujours selon les premiers constats de Sud-Ouest, il semblerait que le trio assurait une vie sociale assez commune jusque vers 2017. Puis Gaëlle aurait effectivement disparu. L’avocat général Stéphane Chassard a déclaré : On n’est pas dans un cas de secte, mais il y a une problématique soit religieuse, soit mystique entre trois personnes qui ont des niveaux intellectuels élevés. La mère, notamment, a fait des études de psychiatrie.
La conversion de cette dernière et de sa fille au mennomisme, un mouvement chrétien protestant qui compte quelque 2 millions de membres à travers le monde, semble s’accompagner d’un repli des trois femmes sur elles-mêmes.
Des voisins ont déclaré à la mairie et aux gendarmes des faits étranges
Sur place, des voisins se confient en s’estimant soulagés par ce dénouement. Car certains ont déjà signalé ces dernières années des faits étranges à la mairie et aux gendarmes. Des mains courantes ont été déposées à la gendarmerie après avoir entendu des appels au secours.
« Ce n’était pas quotidien, mais presque et cela faisait quelques années,
déclare l’un d’eux à Sud-Ouest. Les gendarmes sont venus plusieurs fois, ils n’ont jamais pu ouvrir la porte »
.
Un signalement des services sociaux en 2020
Le mercredi 8 septembre, le lendemain de l’audience de la chambre de l’instruction de la cour de Poitiers qui a permis de dévoiler l’affaire, le procureur de la République de La Rochelle confirme dans un communiqué qu’une procédure avait été initiée en novembre 2020, après un signalement par les services sociaux. Maire de Bignay depuis 2014, Alain Mège avait en effet réagit aux sollicitations des habitants de la commune : Il y avait une urgence. Ma responsabilité d’élu était de prévenir le procureur de la République de Saintes
. Ce qu’il fit après avoir pris contact avec le Centre intercommunal d’action sociale. Une démarche suivie d’effets : enquêtes, auditions de témoins, visites de la gendarmerie… Mais le trio ne sera visiblement pas rencontré.
Le procureur de la République de Saintes en poste à cette époque, Nicolas Septe, a déclaré : À part la rumeur publique, on avait trop peu d’éléments ».