Avoir raison avec… Françoise Dolto
La crise sanitaire a lancé de nouveaux défis à la relation parents/enfants. La psychanalyste et pédiatre Françoise Dolto (1908–1988) a toujours refusé de s’enfermer dans son cabinet. Elle s’est engagée pour faire entendre au plus grand nombre la nécessité de considérer l’enfant comme une personne, d’établir la communication dès la naissance avec les mots, de prendre en compte la parole et la souffrance des plus jeunes. Plus de 30 ans après sa disparition, avoir raison avec Françoise Dolto c’est écouter ce que l’héritage de sa pensée, parfois remis en question, a à dire à l’enfance d’aujourd’hui.
L’enfance de Françoise Marrette pendant la Grande Guerre de 14-18 façonne sa vocation. La guerre, l’absence et ses non-dits ont joué un rôle matriciel, pour cette petite fille qui lit et écrit à cinq ans. Elle découvre la puissance du langage. Entretien avec l’historien Yann Potin. : https://www.franceculture.fr/emissions/avoir-raison-avec/avoir-raison-avec-francoise-dolto-15-avoir-raison-avecfrancoise-dolto-du-lundi-05-juillet-2021
C’est aux parents du XXè siècle que Françoise Dolto s’est adressé, notamment à travers l’émission Lorsque l’enfant paraît sur France Inter entre 1976 et 1978. Elle annonce, et c’est révolutionnaire, que l’enfant est une personne, pas seulement un adulte en devenir. Elle annule le : « tu comprendras plus tard ». Plus tard, c’est maintenant, et dès que la vie commence, le langage entre en jeu. La communication s’installe. Et donc l’écoute. Puis la parole. L’adresse. Le respect. C’était le premier entretien avec un enfant de 3 ans, et elle s’était présentée : « Je suis madame Dolto. Je suis psychanalyste et je dis la vérité de la vie aux enfants ».
Caroline Eliacheff, psychanalyste que nous recevrons demain, disait : Elle est née psychanalyste et elle est née en créant des malentendus. Elle évoquait son originalité, sa précocité, son audace. 33 ans après sa disparition, en août 1988 – Françoise Dolto, pédopsychiatre et psychanalyste citoyenne, engagée dans la cité, divise encore. Sa fille Catherine disait que sa mère était méconnue parce que trop connue. Dolto n’a pas fait école, mais elle voulait aider les parents à mieux éduquer leurs enfants. Les parents d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes – et si on a accusé Dolto de considérer l’enfant comme un petit roi, c’est peut-être parce qu’il n’a pas été si simple de réinventer une autorité qui s’exerçait avec respect.
Françoise Dolto réinvente la place des parents, les incite à penser une autorité qui implique le respect de l’enfant. Elle porte une attention particulière à la transmission vivante : aux parents à travers la radio, à ses collègues qui assistent à ses consultations. Entretien avec Caroline Eliacheff : https://www.franceculture.fr/emissions/avoir-raison-avec/avoir-raison-avec-francoise-dolto-25-rendre-les-parents-plus-intelligents
A à 8 ans, Françoise Dolto annonce à ses parents : « je vois que je suis née trop tôt dans un siècle trop vieux ». Elle est cette petite fille qui ne comprend pas les adultes, et qui comprend surtout très vite, qu’ils n’en savent pas beaucoup plus qu’elle. Plus tard, Françoise Dolto explique : « Dans mon idée d’être médecin d’éducation, il n’y avait pas tellement le projet d’aider les enfants. Mon idée était davantage d’aider les parents à éduquer leurs enfants, à les comprendre ». La pédopsychiatre et psychanalyste ne voulait ni être gourou, ni délivrer absolument une méthode, elle souhaitait que les parents trouvent des solutions par eux-mêmes, en leur partageant son expérience. Elle ajoutait d’ailleurs «les psychanalystes ne sont pas des éducateurs, mais je peux vous aider à réfléchir »
Nous parlerons aujourd’hui de son attention à la transmission. Transmettre aux parents. Transmettre à ses collègues, son émerveillement. A découvrir que l’enfant est un sujet à qui il faut parler vrai. A la question qui sont vos maîtres ? Elle répondait : Freud et les bébés sont mes maitres. Nous verrons que porter cette parole hors du cabinet, c’était prendre des risques, évidemment. D’être parfois mal comprise. Pour parler de cet enseignement vivant, je reçois aujourd’hui, depuis le Sud de la France, Caroline Eliacheff. Vous avez fait partie de ces « messieurs et dames psychanalystes comme moi qui sont là pour apprendre » comme elle présentait aux enfants ces analystes qui venaient assister aux séances, c’était rue Cujas. Que l’on décrivait comme le « chœur antique » !
Caroline Eliacheff est pédopsychiatre, psychanalyste. On peut notamment lire Françoise Dolto, une journée particulière aux Éditions Flammarion.