«Qui sont les couples heureux»? À tous les amoureux et amoureuses actuels ou en devenir,
Dossier
Je dirais deux choses essentielles: la responsabilité conjugale individuelle (je suis 100% responsable de mon côté de la relation, comme mon partenaire l’est du sien) et l’intelligence émotionnelle conjugale. Celle-ci permet de se rendre compte que l’amour et la bonne foi ne sont pas en cause lors de disputes, mais plutôt l’ignorance des petites différences hommes/femmes et des dynamiques conjugales plus ou moins conscientes qui animent le couple.
Cela nécessite beaucoup d’efforts pour mettre en application ces connaissances-là et ne pas laisser ses émotions négatives prendre le dessus. Dans les dynamiques inconscientes, il y a les «quatre cavaliers de l’Apocalypse» que sont la critique ou la plainte, le mépris, l’attitude défensive et le détachement.
Face à la critique, la plupart des gens, surtout les hommes, réagissent par la défensive, donc la contre-attaque. Les couples heureux sont ceux qui arrivent à mettre ces quatre cavaliers à la porte de la maison. Madame doit apprendre à ne pas exprimer ses frustrations ou émotions négatives, mais ses besoins et ce qu’elle aime. Et Monsieur doit arrêter de percevoir l’expression des états d’âme de sa partenaire comme une critique.
Au lieu d’entrer dans une lutte avec elle, mettez-vous à côté d’elle pour faciliter l’expression de ce qu’elle ressent et dont vous n’êtes pas responsable.
Vous aurez une femme très reconnaissante de l’avoir écoutée.
Vous avez écrit que le fondement des couples qui durent et qui sont heureux est l’amitié et non la passion ou la communication à tout prix. Pourquoi?
L’amitié, c’est ce à quoi le couple va aboutir. L’attirance passionnelle à la base du couple, où l’autre nous fait rêver et nous donne des sensations fantastiques, ne peut durer qu’un certain temps.
Après la lune de miel vient la lutte pour le pouvoir. Les couples heureux sont ceux qui sont capables de transformer cette lutte-là en partage du pouvoir. C’est à ce moment que l’on devient amis, complices. Seuls 20% des couples y arrivent vraiment, 30% se résignent, avec l’un qui se soumet à l’autre.
Selon vous, les couples heureux ne sont pas ceux qui ne se disputent jamais ou n’ont que des difficultés légères, mais ceux qui les traversent. Y a-t-il une bonne façon de se disputer?
Oui, il y a une bonne façon: en n’élevant pas trop le ton, en ne dépassant pas un certain niveau d’escalade et en apprenant à désamorcer. Je ne suis pas d’accord avec mes collègues qui affirment que le principal problème des couples est la communication. Pour moi, leur problème est de trouver un consensus. Comment y arrive-t-on? En prenant la responsabilité de ses actions et réactions, en ne se laissant pas envahir pas les émotions négatives de l’autre ou les siennes.
Les luttes de pouvoir sont-elles inévitables dans un couple?
La lutte pour le pouvoir, ce n’est pas forcément une tentative de prendre le contrôle sur l’autre. Je l’illustre par cette image: le couple est un damier sur lequel la femme joue avec des pièces du jeu des dames, et l’homme avec les pièces du jeu des échecs. Ce sont deux jeux intéressants.
Or, chacun croit que l’autre connaît ses règles et affirme son jeu. Cette lutte, si elle ne dégénère pas en escalade, peut être saine: elle permet à chacun de s’affirmer et de dire à l’autre ce qu’il attend du couple. Mais les couples heureux vont arriver à développer un troisième jeu, à partir des règlements du jeu des dames et du jeu d’échecs. Ils créent leur propre culture conjugale, qui n’est pas la même que celle du couple d’à côté.
Les femmes doivent apprendre les règlements du jeu des hommes, continuer à faire ce qui marche bien, qui est agréable et excitant, mais cesser certains comportements. Un exemple: Madame doit cesser de donner des conseils non sollicités, même si c’est de bonne foi et par amour. C’est comme infantiliser l’homme.
Et Monsieur doit cesser de croire qu’il peut acheter la paix par le silence, en se dérobant. Car les femmes font des scénarios catastrophes quand Monsieur se tait. Chacun doit apprendre les sensibilités de l’autre mais aussi lui faire des compliments. Le bonheur est une question d’odeur. Qu’est ce qu’on veut brasser, du purin ou des fleurs? Pour obtenir de l’amour, il s’agit d’offrir de l’amour.
Vous écrivez que pour l’homme, être amoureux, c’est faire des activités avec. Pour la femme, c’est communiquer son vécu et entendre les émotions de l’autre. Comment concilier ces deux approches?
Avant d’arriver au partage du pouvoir, il y a une phase intermédiaire: l’alternance du pouvoir. On ne peut pas jouer le jeu des dames et des échecs en même temps, mais alterner les jeux. Par exemple, à tour de rôle, on choisit le style de films qu’on va aller voir. Si on alterne, tous les deux sont gagnants. L’idéal serait de trouver un film où il y a beaucoup de romance et autant d’action!
Dans votre livre «L’amour véritable» (éd. Québec-Livres), vous mentionnez, entre autres causes du divorces, la baisse de la pratique religieuse et le relâchement des mœurs. Pouvez-vous l’expliquer?
Aux siècles passés, c’est le groupe qui avait le plus d’importance, on mettait l’accent sur la famille. Aujourd’hui, on est beaucoup plus ego-centré, égoïste, pour ne pas dire égocentrique. Tout le monde veut le maximum de plaisir sans avoir d’efforts à faire. Raison pour laquelle, l’année médiane où survient le divorce est passée de 7 ans à 4,5 ans actuellement. Parce qu’on a moins de valeurs morales, on est dans une société de consommation: on jette après usage. On change de partenaire de plus en plus rapidement.
Pour passer son permis, pour acquérir un métier, pour devenir un champion en sport, on a besoin de formation et de cours. Pourquoi les préparations au mariage ne sont-elles pas davantage suivies?
Parce que les cours de préparation au mariage présentent souvent le mariage idéal, au lieu de le présenter tel qu’il est. Je dis souvent sous forme de blague que les couples, avant de s’installer ensemble, devraient suivre un cours de dressage de chiens: ils découvriraient que le biscuit/la récompense, fonctionne beaucoup mieux que la critique.
Le couple n’est pas fait pour rendre heureux; c’est une illusion. Le couple est un creuset pour générer des crises: c’est la façon dont on les gère qui fait qu’on est heureux ou pas. Il s’agit de négocier des ententes à doubles gagnants. Il ne peut pas y avoir un gagnant et un perdant dans le couple.
Propos recueillis par Sandrine Roulet
http://www.magazine-family.info/articles.php/qui-sont-les-couples-heureux-16913.html