Être parent de son parent
L’effort pour rendre l’autre fou.
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“D’après mon expérience clinique, l’individu devient schizophrène, en partie, à cause d’un effort continu, largement ou totalement inconscient, de la ou des personnes importantes de son entourage pour le rendre fou.” Harold Searles (1959)
Le terme de schizophrénie, que l’on doit à Bleuler (1911) signifie étymologiquement « séparation, rupture de l’esprit » (schizein : séparer, phren : esprit). Cette coupure de l’esprit ne se manifeste pas comme on a encore trop souvent tendance à le croire par une double personnalité mais bien plutôt par une rupture avec la réalité. Elle se manifeste en crise aiguë par le délire et les hallucinations sur fond de divers symptômes handicapant la vie sociale. Elle se déclare en général chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette maladie peut passer longtemps inaperçue tant qu’il n’y a pas délire avéré et crise aiguë, les divers symptômes peu spécifiques parfois peuvent passer pour introversion, repli dépressif, ou bizarrerie, originalité de la personne , d’autant plus que l’entourage recule devant la potentialité d’un tel diagnostic et préfère trouver d’autres explications à des signes qui ne sont pas forcément très spécifiques au premier abord. Parmi ces signes, on trouve :
– Délire et hallucinations appelés aussi « symptômes positifs de la schizophrénie ».
– Un appauvrissement idéo-affectif qui fait partie des « symptômes négatifs » et se manifeste par le repli sur soi, l’asthénie, l’apathie, l’aboulie, l’indifférence, la perte de réactivité émotionnelle, la perte de motivation, d’intérêt, de plaisir.
– La désorganisation de la pensée, du langage et du comportement (incohérence des propos, perte des liens logiques, manifestations affectives « décalées » : éclat de rire lors d’un épisode dramatique par exemple, coupure brutales du lien associatif dans la pensée et le discours …). Parfois coexistence de deux comportements incompatibles en même temps ; Le maître mot est discordance ce qui induit un malaise chez le spectateur.
La schizophrénie surviendrait sur un terrain génétiquement prédisposé, et sous l’influence de divers facteurs environnementaux.
Cette fragilité psychologique innée se traduirait par certains symptômes comme une difficulté à fixer son attention, des perturbations des fonctions mnésiques , l’incapacité à se projeter dans l’avenir et un manque de perception des intentions et motivations de l’autre.
Je laisserai la génétique aux généticiens pour explorer plus avant les facteurs environnementaux . Plusieurs pistes ont été explorées : Des facteurs socio démographiques, comme l’isolement, la coupure brutale de son milieu d’origine, des facteurs bien sûr familiaux avec des perturbations des liens et de la communication dans la famille, voire des agents infectieux ou la prise de toxiques seraient autant de facteurs à risque pour l’éclosion de la maladie sur un terrain fragile.
Au niveau familial, plusieurs théories ont été émises. Nous pouvons citer par exemple les travaux de l’école de Palo-Alto pour qui la schizophrénie résulterait d’un trouble précoce, durable et spécifique de la communication dans la famille. La communication s’effectue sur le modèle de la double contrainte (double bind) de manière paradoxale, enfermant le sujet dans des dilemmes insolubles. Le modèle est le suivant :
– Le sujet est confronté à deux propositions ou deux situations inconciliables entre elles
– Ces deux situations ou propositions sont émises par quelqu’un d’affectivement proche
– Il est interdit au sujet de sortir du dilemme sous peine que l’émetteur ne retourne la situation contre lui en lui renvoyant la responsabilité du paradoxe.
Le célèbre exemple des deux cravates illustre bien ce phénomène : une mère offre à son fils pour son anniversaire deux cravates, une rouge et une bleue. Le fils porte la rouge, la mère lui demande alors s’il n’aime pas la bleue. Le fils va alors porter la bleue et s’entendre demander pourquoi il n’aime plus la rouge. Tentative ultime de réponse, le fils va alors porter les deux cravates en même temps. Réponse de la mère « décidément tu es fou ! (variante : tu vas me rendre folle !) »
S’il est difficile d’affirmer que la répétition de telles situations peut effectivement déboucher sur la schizophrénie, la clinique montre qu’on trouve quasiment toujours ce type de communication dans les familles appelées par l’école de Milan « à transactions schizophréniques ».
A également été émise la théorie, très contestée de nos jours et très culpabilisante de la mère dite « schizophrénogène » caractérisée par la froideur affective, le côté intrusif et l’emprise exercée sur l’enfant. Il est difficile en effet de savoir si ces traits de personnalité ont précédé la maladie, voire l’ont déclenchée où sont secondaires et en réaction à ladite maladie par une tentative de maîtriser et protéger un individu pas essence imprévisible.
Plus globalement on peut dire que les conditions d’émergence d’une schizophrénie se trouvent non seulement dans le lien parent-enfant, mais implique aussi souvent les générations précédentes. Les liens familiaux sont marqués par la confusion des générations et des rôles dans la famille (enfant considéré comme parent et inversement), et la modalité fusionnelle du fonctionnement familial où les individus sont comme les tentacules d’une pieuvre dont le corps serait la famille, interchangeables, identiques, simple partie d’un tout au détriment de leur personnalité et de leur individualité. Car la différence, l’existence individuelle de chacun est non seulement inadmissible, mais inconcevable. Elle sera annihilée par tous les moyens, et toute tentative d’individualité donnera lieu à des contre-mesures souvent très manipulatrices visant à faire entrer le rebelle dans les rangs. A moins que quelqu’un d’autre ne se voit obligé de prendre la place et le rôle de celui qui trahit ainsi l’union sacrée. L’enfant futur schizophrène est souvent porteur d’un travail de deuil que la génération précédente n’a pu faire sans toutefois que ce travail lui soit rendu possible. Ces familles vivent en autarcie, repliées sur elles-mêmes , et violemment hostiles tant au monde extérieur qu’au changement de leur équilibre pathologique. La paradoxalité règne en maître absolu, de même que la disqualification dans laquelle le sujet qui cherche à donner un sens au monde qui l’entoure se voit systématiquement mis en échec, et la mystification dans laquelle le sujet est trompé par une figure qu’il idéalise mais qui se révèle être dans les faits totalement destructrice pour lui.
Ruffiot (1981) résume les enjeux familiaux de la famille du patient futur schizophrène par la formule : « Vivre ensemble nous tue, nous séparer est mortel ».
Ce qui sous tend les processus schizophréniques, c’est la paradoxalité : quelque chose peut être à la fois vrai et pas vrai. Elle sert à gérer l’impossible différenciation entre soi et l’autre. Racamier (1980) résume le paradoxe du schizophrène : « Exister consiste à ne pas exister ». Cette paradoxalité entraîne la discordance, il y a toujours inadaptation entre ce qui est éprouvé et la situation.
C’est dans le cadre de ces liens étranges qui se tissent autour du schizophrène que je vous propose aujourd’hui d’explorer un article d’Harold Searles « L’effort pour rendre l’autre fou » que vous pourrez retrouver avec d’autres traitant du même thème dans l’ouvrage portant le même nom, paru entre autres aux éditions Folio. Ecoutons l’auteur : « Rendre l’autre fou est dans le pouvoir de chacun : qu’il ne puisse pas exister pour son compte, penser, sentir, désirer en se souvenant de lui-même et de ce qui lui revient en propre. »
De tels liens, on ne sort pas forcément fou, on a vu qu’il fallait tout de même une certaine prédisposition, une certaine fragilité, mais on en sort toujours mutilé dans son sentiment d’identité et d’individualité. Qui n’a jamais été personnellement confronté au type de relation que je vais décrire trouvera très certainement cet article « fou », et quelque part il l’est , dans la mesure où il plonge dans un monde très éloigné de notre raison ordinaire. Mais ceux qui ont vécu la confusion induite par les agissements d’un parent (ou d’une autre personne) de ce type ne s’y tromperont pas, ça existe, et pas seulement dans des cas exceptionnels et pas seulement dans les asiles. Je vous laisse juge.
Nous allons suivre au plus près les idées de l’auteur. Et pour cela, nous allons d’abord examiner les « techniques »( terme quelque peu cynique , je le concède, dans la mesure où ces agissements sont largement inconscients) qui conduisent à faire subir à l’autre une sorte de lavage de cerveau ayant pour résultat de le déposséder de lui-même. Les termes entre guillemets sont directement puisés dans le texte.
Technique n° 1 : « toute interaction visant à favoriser un conflit affectif chez l’autre, faire agir les unes contre les autres les différentes aires de la personnalité tend à rendre fou (c’est à dire schizophrène). ». C’est le cas quand on attire l’attention sur (ou qu’on stimule) une partie de la personnalité qui a du être refoulée pour permettre un certain équilibre. Affaiblissant le refoulement, on attise le conflit et l’angoisse qui va avec. H Searles donne l’exemple d’un parent qui entretient une excitation sexuelle alors même que l’accomplissement du désir ainsi éveillé amènerait à un inceste catastrophique. Ou encore la mère qui attiserait la dépendance de son enfant par ses comportements alors qu’il tâche désespérément de lutter contre elle pour s’autonomiser. L’effet est d’autant plus pervers quand les choses se passent ,ce qui la plupart du temps est le cas, dans un contexte paradoxal où la dépendance est suscitée et en même temps reprochée : une mère peut ainsi se plaindre amèrement de la dépendance de son enfant tout en s’opposant directement ou par messages plus indirects (ne pas supporter qu’il s’occupe de lui seul par exemple, intervenir avant même qu’il n’en ait fait la demande, tout savoir mieux que lui à son sujet, critiquer « pour son bien » toutes ses initiatives….) à son autonomie.
Technique n°2 : “Alterner successivement stimulation et frustration”. Un cas typique selon l’auteur est le parent faisant sans cesse appel à la compassion, la compréhension, demandant implicitement l’aide de son enfant pour systématiquement rejeter les tentatives qu’il fait pour apporter cette aide. L’enfant sera alors envahi d’un sentiment de culpabilité, de rage, d’impuissance et d’inutilité.
Technique n°3 : Traiter l’autre à plusieurs niveaux de relation n’ayant aucun rapport entre eux. On est là dans la communication paradoxale où un message est transmis verbalement, un autre est « montré » dans le non verbal. Face à l’impossibilité de se conformer à un message sans être en désaccord avec le second, face à l’impossibilité de sortir du dilemme, ni de remettre en question l’émetteur à qui on est relié par un lien affectif fort ou dont on a peur, une seule possibilité reste : se dissocier. La confusion induite par de tels messages fait que c’est le récepteur qui se sent confus et se sent devenir fou alors que c’est le message (et éventuellement l’émetteur) qui l’est ! H .Searles nous cite pour illustrer ce fait une de ses patientes se livrant à un discours philosophique très sérieux, tout en affichant une attitude sexuellement des plus provocantes. Là encore le malaise induit, la confusion sont le fait du récepteur qui va jusqu’à se demander si ce n’est pas lui qui a un problème, qui se « fait des films », le sentiment d’irréalité éprouvé fait que c’est encore le récepteur qui va mettre en doute sa capacité de jugement et d’appréhension du réel. Pour en savoir plus sur l’injonction paradoxale je vous renvoie au bulletin n°104 : « Pathologie de la communication ». L’injonction paradoxale crée une sorte de court-circuit mental où l’appréhension du sens de la situation vécue n’est plus possible. Bien sûr toutes ces techniques doivent être régulièrement répétées pour être actives.
Technique n°4 : Passer brutalement d’une longueur affective à une autre, sans préavis et sans explication. C’est la gentille mère, douce et attentionnée dont soudainement et sans explication rationnelle possible on voit le visage se transformer et devenir rempli de haine, de mépris, de rejet, et qui va brutalement s’en prendre violemment à l’enfant. Extrêmement déstabilisant et menaçant pour l’enfant : d’une part son environnement sécurisant s’écroule brutalement , d’autre part, l’impression de confusion et de menace qui en résulte attaque son sentiment de cohésion interne. Attention, çà marche aussi en sens inverse. Le fait de voir sa mère folle de rage envers quelqu’un, son père, son frère, sa sœur… puis la voir tout à coup se transformer en ange de douceur lorsqu’elle s’adresse à lui n’est pas forcément aussi rassurant qu’il y paraît. L’expérience reste traumatique par l’aspect d’étrangeté et d’irréalité qui est perçue.
Technique n° 5 : Saper la confiance de l’autre dans la fiabilité de ses réactions affectives et sa perception de la réalité extérieure. En le forçant par exemple à être complice d’un déni parental. Par exemple l’enfant va percevoir une émotion chez le parent (colère, tristesse…). Le parent va d’une part nier cette émotion (non, çà n’existe pas, tu ne vois pas ce que tu vois, tu ne ressens pas ce que tu ressens, ta perception de la réalité est fausse). Mais encore il va forcer l’enfant à le nier également. Ceci marche aussi avec les sentiments de l’enfant (mais non, tu n’es pas en colère, mais non, tu n’as pas mal, mais oui, tu aimes ton frère qui vient de casser le jouet auquel tu tenais le plus…). L’enfant est alors en proie à un conflit majeur, soit faire confiance à ses propres sens, sa propre perception du monde (et trahir le parent dont il a un besoin vital d’amour et d’approbation), soit , et c’est malheureusement souvent le cas, se rallier au parent pour ne pas le perdre. L’enfant va alors être amené à nier son ressenti et au delà se nier lui même avec ce sentiment étrange de perte de repère, perte d’identité personnelle, dissociation ,qui l’accompagne. L’épreuve de réalité est totalement perturbée. Ultérieurement cet enfant ne pourra plus se faire confiance, plus faire confiance à ses perceptions et s’alignera sur la réalité de l’autre pour penser et ressentir.
On ne peut pas ne pas faire le parallèle avec les techniques de lavage de cerveau ou les techniques utilisées dans la perversion narcissique quand il est question de vider l’autre de sa substance, de réduire à néant tout velléité d’individualité.
A ce stade se pose forcément la question, pourquoi ? Pourquoi un parent se livre-t-il même très inconsciemment à ce type de « manœuvres » sur son enfant ?
– La première cause se trouve dans un désir inconscient de meurtre . Il s’agit de se débarrasser de l’autre, le réduire à néant. Je dirai que plus que l’autre, c’est surtout son altérité, sa différence qui est à détruire. “Le « souhait de psychose » est un souhait de mort”. Là encore, malgré les apparences, çà ne fait pas forcément du parent un mauvais parent (dans le sens méchant, haineux), simplement un parent très perturbé. Les souhaits de mort inconscients sont le lot de tout un chacun. Il s’agit tout simplement, d’éliminer l’autre quand il est ressenti comme menace pour sa propre survie. Et les expressions « je vais te tuer », comme d’ailleurs « tu vas me tuer » sont loin d’être aussi anodines dans leur essence qu’il n’y paraît. Simplement chez un être normalement équilibré, ces souhaits sont « désactivés ». Tout au plus se feront ils jour dans des expressions comme celles que je viens de citer lâchées dans un moment de colère, d’exaspération ou d’épuisement tels que tout parent peut en connaître. Sans effet pathologique. Lorsque le système de filtre est totalement inexistant, c’est l’infanticide, çà existe, les actualités nous en révèlent régulièrement l’existence. Lorsque les filtres sont quand même là, mais défaillants, ces souhaits seront agis sous forme détournée ; On ne tue pas l’autre, on l’empêche d’exister en tant qu’autre : c’est le meurtre psychique.
– La seconde cause est le désir d’extérioriser, de faire porter par quelqu’un d’autre une psychose latente en soi. C’est ce qui se passe entre autres dans la perversion narcissique. Car dans le monde des relations symbiotiques où les limites des individus sont mal établies, ce genre d’exportation des sentiments et conflits de l’un chez l’autre est fréquent. Le mécanisme à l’œuvre est l’identification projective (voir bulletin n°95). Le problème étant que l’enfant aime tellement son parent qu’il se sacrifie pour lui, sacrifie son individualité au bonheur et à l’équilibre de son parent.
– Une autre raison est de voir se terminer une relation conflictuelle ingérable et insupportable car fortement génératrice d’angoissante incertitude. Il est encore question de cette « catastrophe » (psychotique) qui plane dans l’air. L’enfant va préférer attirer sur lui cette catastrophe pressentie comme inévitable pour diminuer son sentiment d’impuissance et son angoisse face à la menace. « Tant qu’à faire, puisqu’on n’y échappera pas, autant que çà arrive tout de suite ! »
– Mais la raison la plus forte est « le désir de trouver une âme sœur pour adoucir une solitude insupportable ». Il y a à la fois besoin d’une relation symbiotique et besoin de partager sa folie avec quelqu’un. L’enfant devient spectateur privilégié et complice des comportements et de la vision folle du monde du parent, qui parfois ne découvre cet aspect de lui qu’en la seule présence de l’enfant et fait « bonne figure » par ailleurs. Il y a alors induction d’une relation symbiotique de proximité, complicité, et « union sacrée » : deux contre tous les autres. Ce genre de contrat va induire de la part de l’enfant et du futur adulte une fidélité fanatique à un parent très fortement idéalisé, pour ne pas dire « follement » idéalisé au sens premier du mot « folie ».
La toile de fond qui sous tend tout ceci est la menace que la mère fait peser sur l’enfant : elle deviendra folle (mourra) s’il la quitte pour s’autonomiser, se séparer psychiquement d’elle. Tout désir naturel d’individualisation sera à partir de çà vécu comme désir de rendre la mère folle (tuer la mère). Ceci est un motif de résistance majeur au changement thérapeutique. Cette incroyable fidélité à un parent qu’on ne peut quitter sans tuer ou rendre fou est parfois l’interdit majeur que tous n’arriveront pas à franchir, restant éternellement dans une dépendance qui leur empoisonne la vie, mais les déculpabilise de cette intense responsabilité d’être matricide (ou parricide).
Il y alors complicité des deux protagonistes pour perpétrer une relation symbiotique par angoisse d’aller vers une saine et naturelle autonomie vécue comme meurtrière . Le fonctionnement est repris à son compte par le schizophrène, H Searles parle alors « d’effort mutuel entre les deux protagonistes pour rendre l’autre fou ».Mais il ne faut pas oublier que les gratifications symbiotiques (sentiment de toute puissance, d’être à deux l’univers, l’exclusion de l’autre, du conflit, de l’ambivalence….) sont aussi des facteurs qui même totalement fantasmatiques alimentent la résistance au changement. Car si une partie de la personnalité, la partie saine souffre, la partie malade se complet dans la grandeur fantasmée de la toute puissance symbiotique et le sentiment d’être le héros , le sauveur familial fusse au prix de sa santé mentale.
Encore une fois à ceux que ces propos peuvent choquer, je répèterai qu’on est dans un univers entièrement inconscient et fantasmatique. Rien de tout ceci n’est bien sûr consciemment pensé, désiré et mis en acte. Cà n’en est pas moins actif dans la relation et dans la communication très largement déformée par le manque de limites entre les individus et la confusion qui s’ensuit. Car rendre l’autre fou, c’est avant tout faire en sorte que jamais il ne puisse exister pour et par lui-même, que jamais il ne sorte de la symbiose où chacun est partie de l’autre, complément indispensable à sa survie et son équilibre psychique. Ce qui est en germe dans la pathologie de la dépendance connaît son apothéose dans la schizophrénie.
Et si on ne devient pas forcément fou, on peut toujours en garder une forte pathologie de la dépendance, une incapacité à se séparer, à être soi, doublée bien sûr de l’impossibilité pour l’autre d’être autre, individu à part entière. Il n’est pas rare de trouver chez les dépendants affectifs par exemple le type de parent ainsi décrit et la recherche de la relation symbiotique idéalisée.
Si la thérapie de la schizophrénie passe par une double approche, médicamenteuse et psychothérapeutique, ce bulletin n’a pour ambition que de faire connaître, ce qui même avec les meilleures intentions du monde peut s’avérer d’une extrême toxicité. Faire prendre conscience aussi de ce que peut-être on a subi ou on subit encore, et pas forcément dans le contexte d’une schizophrénie avérée, car ce type de lien existe bien entendu non seulement sur le plan familial, mais dans le couple, et plus globalement dans tout lien un tant soit peu affectif. Et « ce lien qui rend fou » est toujours destructeur, et induit à minima beaucoup de confusion et de souffrance.
Très cordialement,
Martine Massacrier
martine@adps-sophrologie.com