L’Assemblée nationale a voté la semaine dernière contre “tout recours aux violences corporelles” des parents envers les enfants. C’est une bonne chose pour Célia Carpaye, éducatrice spécialisée et auteure, mais le gouvernement devrait aller encore plus loin.Selon l’INSERM, 98 000 enfants sont officiellement connus comme étant en danger en 2015 en France.
Alors que vient d’être adopté un amendement au projet de loi égalité et citoyenneté visant à abolir la violence faite aux enfants, les débats se multiplient sur les réseaux sociaux et les idées reçues au sujet de la sacro-sainte fessée refont surface. “J’ai reçu des fessées et je ne suis pas morte”, “une fessée n’a jamais tué personne“, “si certains recevaient plus de claques, la société n’irait pas si mal”, assénées comme des vérités irréfutables, ces assertions sont pourtant fausses et surannées.
Rappelons les chiffres. En 2015 en France, 98 000 enfants sont officiellement connus comme étant en danger; parmi eux, 19 000 sont identifiés comme maltraités et 79 000 en risque de danger. Selon Anne Tursz, épidémiologiste à l’INSERM, 700 enfants décèdent chaque année à la suite de violences familiales. Si une fessée ne tue pas, beaucoup trop d’enfants meurent encore de l’escalade malheureuse qui conduit un parent d’une correction jugée légitime à des actes plus barbares.
Bien que des femmes continuent de subir l’emprise d’hommes violents, il est d’usage (et de droit) de proscrire tout acte de violence à leur égard. Dans notre société, le message est clair et la règle explicite: il est interdit d’agresser physiquement une autre personne, sauf si cette personne est un enfant. Les droits des enfants ont évolué. Il n’est qu’à voir les textes de loi internationaux, européens, les conventions ou autres rappels à l’ordre qui ont émaillé l’histoire de la protection de l’enfant. Pourtant, une majorité de personnes continuent de revendiquer le droit des adultes à disposer du corps de l’enfant sous prétexte d’éducation. A l’idée d’une loi abolissant les châtiments corporels, une grande partie des citoyens français arguent le droit à l’éducation, le fléau de l’enfant-roi ou encore la nécessité de la fessée pour éduquer un enfant. Respecter l’enfant, oui, retirer le droit de correction au parent, c’est aller trop loin! L’éducation fait l’objet d’un héritage culturel et idéologique fort, d’où ressortent un certain nombre de préjugés: l’enfant est la propriété de son parent; l’enfant n’est pas l’égal de son parent; éduquer est apparenté à “soumettre”, “faire obéir”.
La violence éducative ordinaire désigne tous les actes ou manquements implicitement légitimés comme des moyens éducatifs, vécus de manière quotidienne et répétée et considérés comme “normaux”. Cela inclut la fessée, la gifle, la tape sur la main ou encore l’isolement, l’exclusion, les moqueries, les insultes, les humiliations… Leurs conséquences sur la santé physique et mentale ne sont plus à démontrer. Pourtant, d’après un sondage Sofres, 67% des parents français utilisent la fessée comme moyen d’éducation et 82% des Français s’opposent à une loi interdisant les châtiments corporels.
Ces derniers jours, les médias sont longuement revenus sur l’abolition de la sacro-sainte fessée. Mais devenir le 50e pays abolitionniste des violences éducatives recouvre bien d’autres réalités:
Si l’amendement au projet de loi prévoit que l’autorité parentale soit conditionnée par l’absence de “tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles”, il nécessite un travail de fond. Ce n’est pas l’occasion pour pointer du doigt les parents, mais plutôt une opportunité de leur donner les clefs d’une éducation respectueuse, avec des outils pratiques pour accompagner leurs enfants dans leur vie personnelle et sociale.
Nous disposons aujourd’hui de données précises sur le fonctionnement cognitif, biologique et psychique des enfants. Le développement de l’être humain est conditionné par un environnement bienveillant et l’absence de situations de stress répétées. Certains auteurs, pédagogues, psychologues proposent des outils pertinents et adaptés aux données dont nous disposons. Il ne reste plus qu’à nous mettre au travail.
Ecrit par Célia Carpaye, éducatrice spécialisée, auteure, rédactrice à Lien Social.
http://www.lexpress.fr/styles/enfant/contre-les-violences-corporelles-envers-les-enfants-allons-plus-loin_1809314.html
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