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Aborder le thème de la violence féminine exercée à l’encontre des hommes est un sujet extrêmement délicat qui soulève de fortes réactions émotives influencées par le préjugé de « l’homme violent et la femme victime » et du tabou de « la femme violente et de l’homme victime ». Tous ceux et celles qui ont osé abordé ce thème se sont fait accusés de minimiser la violence faite aux femmes, d’être anti-féministe, d’être masculiniste et même misogyne. Comme si le fait de parler d’un sexe voulait nécessairement dire que l’on est contre l’autre sexe, que l’on alimente la guerre des sexes et qu’on généralise à l’ensemble des femmes la violence de quelques femmes.
Je précise donc dès le départ que, pour moi, une seule femme battue est une femme battue de trop. Il n’y a aucune justification possible au fait qu’une femme soit battue dans un contexte conjugal, comme il n’y a aucune justification à ce qu’un homme soit battu. Et pourtant, c’est la réalité. L’homme battu physiquement est un impensable social : c’est pourquoi nous avons tous de la difficulté a accepté cette réalité pourtant de plus en plus documentée.
Imaginez les scènes suivantes :
1. Vous êtes dans un endroit public et vous voyez une femme gifler un homme. Quelle sera votre première pensée ?
2. Toujours en public, vous apercevez un homme et une femme en train de se battre ? Qui défendrez-vous, si vous vous interposez ?
3. Vous appelez la police parce que vous entendez des hurlements dans l’appartement d’à côté. Qui croyez-vous que les policiers vont menotter et conduire en prison ?
4. Prenez le risque de dire autour de vous que votre amie ou votre femme vous bat et observez les réactions.
5. Dites autour de vous qu’il y a autant de femmes violentes que d’hommes violents.
6. Comment croyez-vous que les intervenants d’un CLSC vont réagir si un homme leur déclare qu’il est battu par sa femme depuis des années ?
7. Demandez autour de vous si les gens connaissent des hommes battus.
Répondez spontanément et honnêtement à ces questions, osez faire les expériences suggérées et vous saurez ce qu’est un préjugé et un tabou.
Maintenant, rappelez-vous par qui, papa ou maman, vous avez vous-même été battu, si tel est le cas. Vous-même, que vous soyez homme ou femme, avez-vous déjà été giflé, poussé, égratigné, pincé, roué de coups de poing ou de pied… par une amie ou par une conjointe ? Vous a-t-on déjà lancé des objets par la tête ? Regardez autour de vous et écoutez.
La définition de la violence conjugale
La violence conjugale est une tentative intentionnelle d’un partenaire à maîtriser l’autre partenaire ou à l’intimider. Le couple peut être marié ou ne pas l’être, et les partenaires peuvent être du même sexe. Une personne peut être victime de plus d’une forme de violence.
La travailleuse sociale suisse Sophie Torrent, dans son livre L’homme battu, rapporte cinq types de violence :
1. La violence physique : Il s’agit d’une atteinte à l’intégrité corporelle. Elle comprend l’ensemble des atteintes physiques au corps de l’autre.
2. La violence sexuelle : Elle comprend l’atteinte ou la tentative d’atteinte à l’intégrité sexuelle. Elle correspond au fait d’imposer son désir sexuel au partenaire, d’influencer par la violence la relation sexuelle.
3. La violence psychologique : Il s’agit de l’atteinte à l’intégrité psychique, toute action qui porte atteinte ou essaie de porter atteinte à l’intégrité psychique ou mentale de l’autre (son estime de soi, sa confiance en soi et son identité personnelle).
4. La violence verbale : Elle comprend le contenu des paroles et le mode de communication, parfois révélateur de violence, qui consiste à humilier l’autre par des messages de mépris, d’intimidation ou de menaces d’agression physique.
5. La violence économique : Elle se traduit par le contrôle économique ou professionnel de l’autre.
Dans cet article, je ne parle que de la violence physique, laquelle comprend les gestes suivants : le fait de frapper, de donner des coups de poing, de battre, de pousser, de pincer, de donner des coups de pied, d’infliger des brûlures, de tirer du fusil, de poignarder, de couper quelqu’un ou de le tuer. Du point de vue de la loi, la violence physique est considérée comme une voie de fait. Une personne commet une voie de fait lorsqu’elle utilise la force intentionnelle ou qu’elle tente d’utiliser la force contre une personne et contre son gré.
Des statistiques surprenantes
Pour la majorité des gens, parler d’hommes battus est incroyable, inconcevable ou, pire, risible. Lorsque, autour de moi, je rapporte les statistiques officielles concernant la violence faite aux hommes, on a peine à me croire. Le sujet est tabou. Les médias n’en parlent pas, sauf à de très rares exceptions. Tous mes collègues psychologues à qui j’ai demandé des références sur le sujet n’en connaissaient pas et la majorité ne savait pas qu’il en existait.
Basé sur les rapports de police ou les statistiques d’agences en service social, il y aurait de 12 à 15 femmes battues pour un homme victime de violence conjugale. Ces rapports ne décrivent pas la réalité, car ils ne compilent que les cas qui ont fait l’objet de plaintes et non pas tous les cas de violence conjugale. Ces rapports ne décrivent pas la réalité parce que les hommes vont rarement déclarer à la police ou à un travailleur social qu’ils viennent de se faire battre par leur femme. Ils ont peur du ridicule, avec raison.
Lorsque l’on compare, par contre, les statistiques officielles concernant les meurtres entre époux (qui eux sont tous compilés), l’on sait depuis plus de 50 ans que la différence est minime. Des études récentes démontrent un ratio de 1.3 femmes assassinées par son conjoint contre 1.0 homme. En fait, toutes les études statistiques représentatives de la population prouvent que la violence conjugale des femmes envers leur conjoint est en hausse, alors que celle des hommes envers leur conjointe est en baisse. Et cela est particulièrement vrai pour la violence sévère, même si les médias publicisent davantage les meurtres commis par les hommes. Un mari assassinant sa femme fera la Une, surtout si, en plus, il tue ses enfants, alors que l’inverse est inscrit dans les faits divers.
L’idée de la violence féminine à l’endroit des hommes est difficile à accepter parce qu’elle va à l’encontre du stéréotype. Comment une « faible femme » pourrait-elle être l’initiatrice de comportements violents envers son conjoint, fort et plein de muscles ? Entretenir le mythe de la « faible femme victime de l’homme violent » manifeste non seulement, à mon avis, une attitude méprisante envers les femmes, mais c’est aussi faire fi des réalités suivantes :
1. Le rapport de Daly & Wilson, en 1988, basé sur les statistiques canadiennes, démontre que 54 % des meurtres des enfants sont perpétrés par les mères. D’autres statistiques anglaises et américaines arrivent aux mêmes conclusions. De plus, les garçons sont tués une fois et demie plus souvent que les filles, soit trois garçons pour deux filles. L’autre personne la plus susceptible de tuer un enfant est le nouvel amant de la mère. C’est avec son père naturel que l’enfant est le plus en sécurité.
2. Les mauvais traitements infligés aux enfants sont le fait des mères dans 57 à 61 % des cas selon le Statistical Abstract of the United States. On peut admettre que les mères soient plus susceptibles d’être l’initiatrice de mauvais traitements aux enfants parce que plus souvent en contact avec eux que leurs conjoints, mais on ne peut certainement pas parler de légitime défense.
3. Que dire de la violence des couples lesbiens ? La psychologue Vallerie Coleman, dans sa thèse de doctorat, démontre que 46 % des femmes membres de couples lesbiens ont vécu des incidents violents à répétition. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé si on le compare à la violence des couples hétérosexuels. La violence des couples lesbiens est un sujet évidemment très tabou puisqu’il ne correspond pas à l’image de la « douce femme ».
4. Des études réalisées sur la violence pré-maritale démontrent, là aussi, que les femmes ont plus souvent agressé leur partenaire que l’inverse. Les différences sont de l’ordre de 5 à 10 %, selon les études.
5. Les hommes âgés sont aussi plus souvent victimes de violence conjugale que la femme âgée.
6. Lorsque interrogées, 39 % des femmes mariées ou en union libre admettent avoir menacé ou maltraité physiquement leur conjoint, contre 26 % des hommes qui reconnaissent la même chose.
7. Des anthropologues (Malinoski, Mead) ont démontré au cours de leurs observations la violence des femmes : des Mélanésiens sont violés par des groupes de femmes ; les Iroquoises arrachaient le cœur et le foie des ennemis attachés au poteau ; des religieuses ont torturé les enfants de Duplessis ; des Thaïlandaises forcent leurs filles à se prostituer sous menace de tortures ; des mères ferment les yeux, nient ou assistent à l’inceste de leurs fillettes ; l’excision du clitoris est effectuée par des femmes, transmettant ainsi cette tradition barbare ; des Pakistanaises approuvent leurs fils qui brûlent leurs femmes à l’acide, quand ce ne sont pas elles qui exécutent cet acte barbare ; dans plusieurs cultures asiatiques, les femmes sont soumises à leur belle-mère, pas à leur mari… Des hommes ont été assassinés par des femmes pour s’être opposés à ces coutumes.
8. L’histoire de la criminalité comporte aussi de nombreuses tueuses en série , quoique beaucoup moins nombreuses.
9. Quoique les enlèvements d’enfants par leur père soient davantage médiatisés, la réalité est que, pour la décennie 1992 à 2001, 66 % des enfants enlevés et amenés en terre étrangère le furent par leur mère.
Il existe actuellement plus de deux cents recherches scientifiques basées sur des échantillons représentatifs démontrant que les deux sexes initient également la violence conjugale. Ces recherches sont mises de côté parce que « politiquement embarrassantes » ou « non politically correct ».
Évidemment, les stratèges féministes réfuteront ces statistiques. Elles s’en prennent même parfois aux chercheurs qui ont réalisé ces études. Suzanne K Steinmetz, M. A. Stauss et R. J Gelles qui arrivent à la conclusion que « le crime le moins souvent rapporté n’est pas celui de la femme battue, mais plutôt celui de l’homme battu » ont reçu des menaces verbales et des appels téléphoniques, menaces parfois adressées à leurs enfants. Un appel à la bombe les empêcha un jour de donner une conférence sur le sujet. Quel paradoxe : des mouvements féministes anti-violence utilisant la violence pour faire passer leur message, au même titre que les mouvements pro-vie vont assassiner des médecins avorteurs.
La schismogenèse complémentaire
Pour de plus en plus d’intervenants, la violence est la conséquence d’une dynamique relationnelle interactive due à l’incapacité des deux partenaires à développer une intimité empreinte de respect et d’appréciation des différences existant entre l’homme et la femme. Comment expliquer, autrement, que la violence a tendance à se répéter à l’intérieur d’un même couple ? Comment expliquer qu’une femme battue par un conjoint se retrouve avec un deuxième conjoint, parfois même un troisième, qui exercera lui aussi de la violence ? En accusant tous les hommes d’être des violents (ou des violeurs) en puissance ? Ou en supposant une co-responsabilité des deux conjoints dans la construction d’une situation qui mène immanquablement et inexorablement à l’explosion émotive et physique ?
Est-ce si difficile d’admettre qu’en dehors des situations (2 à 3 %) où l’agresseur(e) puisse être mentalement et profondément perturbé(e), il y a toujours deux victimes dans les cas de violence conjugale (sans compter les enfants témoins de cette violence) et deux co-créateurs de cette escalade vers l’explosion physique, peu importe le sexe de celui ou celle qui passe finalement à l’acte. Le refus ou la négation de cette double responsabilité constitue, à mon avis, un obstacle à la prévention de la violence conjugale.
Gregory Bateson, dans La nature et la pensée, a nommé « schismogenèse complémentaire » la réaction en chaîne par laquelle la réponse de l’un des partenaires à la provocation de l’autre entraîne des comportements réciproques toujours plus divergents. Cette escalade se produit parce que les hommes et les femmes ont des sensibilités différentes et des attentes et des croyances différentes face au couple.
Tant et aussi longtemps que les femmes ne prendront pas leur part de responsabilité dans la genèse de la violence conjugale, elles resteront impuissantes, dépendantes des changements de leur partenaire et soumises à leur bonne volonté. Est-ce vraiment cela que les femmes désirent ? J’ose croire que non. J’ose croire que les femmes peuvent prendre conscience qu’elles ont des besoins, des priorités et des ressources qui leur sont propres et qu’elles prendront la responsabilité des stratégies à utiliser pour satisfaire ces besoins, faire valoir leurs priorités sans « sataniser » celles de l’homme, et exploiter positivement leurs ressources au profit d’elles-mêmes, du couple, de leurs enfants et de la vie en général. Ne pourrait-on pas exploiter l’expertise des centres d’accueil pour femmes au profit des hommes battus et l’expertise des groupes d’entraide pour hommes violents au profit des femmes violentes ?
Les féministes réagissent fortement à la responsabilisation de la femme dans le cycle de la violence, criant au lavage de cerveau cherchant à culpabiliser la femme et lui faire croire que c’est elle qui provoque la violence dont elle est victime. Non seulement cette réaction est paranoïde, mais, en refusant la part de responsabilité des femmes, cette attitude les convainc qu’elles n’ont aucun pouvoir sur la situation à la source de la violence. Les hommes ne peuvent être accusés de garder les femmes dans la dépendance si elles-mêmes ne se reconnaissent pas comme des êtres autonomes, responsables de leurs conditions de vie et dignes de respect et d’estime.
Un certain discours féministe explique que la violence conjugale est la conséquence d’une domination patriarcale et qu’il faut défendre les femmes, qui se responsabilisent dans la genèse de la violence, contre elles-mêmes. Comme les féministes en général acceptent cette analyse des rapports homme – femme basés sur un rapport de domination, elles n’ont qu’une seule issue : secouer leurs chaînes et enchaîner à leur tour leurs soi-disant dictateurs. Ce qui ne mène nulle part, sauf à la confrontation, comme dans la violence conjugale.
Mise en garde
L’objectif de cet article n’est pas de partir un débat à savoir lequel de l’homme ou de la femme est le plus violent, mais plutôt de susciter une réelle prise de conscience de toute la réalité de la violence domestique afin, qu’ensembles, hommes et femmes puissent arriver à l’éradiquer. Pour ce faire, il importe de connaître les réelles dimensions de cette violence plutôt que de rechercher un coupable à punir ou une soi-disant victime à défendre. Il importe d’ouvrir les deux yeux sur la réalité de la violence conjugale, pas seulement un.
Saviez-vous que le mot agresseur est défini comme un adjectif et un nom masculins dans la plupart de nos dictionnaires, sauf dans Antidote.